Le Pastel, une plante qui retrouve ses couleurs
Le Pastel (Isatis tinctoria), crucifère bien connue dans le sud de la France, est à la source d’une teinture bleue jadis fort prisée, remise à gout du jour par la petite entreprise Bleu Pastel de Lectoure.
Un peu d’histoire
Dès l’Antiquité, les Égyptiens teignaient au Pastel, Isatis tinctoria, les bandelettes dont ils emmaillotaient leurs momies.
Le Moyen-Age, à son tour, reconnut ses vertus médicinales et cicatrisantes. Selon les archives marseillaises ce sont les Maures qui introduisirent le Pastel dans toute le sud de l’Europe.
Le début du XVe siècle le vit fleurir en Angleterre, alors que quelques temps plus tard, les pays du nord se spécialisent dans la teinture en redécouvrant les propriétés tinctoriales de cette plante.
1. Les feuilles étaient récoltées en septembre et amenées chez le meunier pastellier où elles étaient écrasées sous une meule, pour produire une pâte végétale qui était laissée à fermenter pendant huit semaines.
2. A partir de là, les mouleurs venaient mouler à la main des boules de la taille d’un pamplemousse. Ces boules se nomment des « Cocagnes » ou « guesdes » au-dessus de la Loire. Elles seront mises à sécher durant quatre mois et ainsi deviendront dures, noires et plus petites et ainsi plus faciles à transporter. Sous cette forme, le pigment bleu se conserve quelques mois et peut donc faire l’objet d’un commerce international.
En France, à la Renaissance, l’Occitanie enfante le légendaire Pays de Cocagne et Toulouse s’impose au coeur du commerce européen du bleu. Ceux qui deviendront les plus célèbres négociants pasteliers de l’histoire s’y installent, accumulant des fortunes extraordinaires et bâtissent des hôtels pastelliers dans la ville rose.
Cependant leur puissance aussi fulgurante qu’éphémère ne surmontera pas les incidents de l’histoire. Ainsi les guerres de religion et l’arrivée de l’Indigo importé des Indes plongent le midi toulousain dans le marasme. La culture du Pastel connait son premier déclin.
Au début du XIXe siècle, Napoléon Ier créa une école expérimentale à Albi pour l’extraction de la fécule colorante des feuilles de pastel. Les recherches aboutirent à la réduction du temps d’extraction de la couleur, passant de 8 mois à quelques jours. Tous les soldats de l’Empire seront habillés en bleu de Pastel. Le milieu du XIXe siècle abandonne définitivement l’utilisation du Pastel, tout comme l’arrivée des colorants de synthèse au XXe siècle feront oublier la Garance et l’Indigo.
Aujourd’hui…
Le « Bleu de Pastel », tel qu’il était extrait à l’époque était principalement destiné à la teinture et était confié au savoir-faire des maîtres-teinturiers.
Le procédé de cocagnes ne permettait pas de produire le pigment pur. Seule, une infime partie était récupérée à la surface des cuves des teinturiers : la fameuse « Florée d’Inde » ou « Fleurée de pastel ».
Aujourd’hui, la petite entreprise Bleu Pastel de Lectoure dispose d’une unité industrielle pouvant traiter jusqu’à vingt tonnes de feuilles de Pastel par jour.
Malheureusement, l’approvisionnement en plants de Pastel est très insuffisant pour satisfaire la demande et l’entreprise a du arrêter temporairement sa fabrication de Pastel. Elle recherche des graines et des agriculteurs en quantité suffisante pour reprendre sa production, qui est attendue pour bientôt…
Si vous voulez en savoir plus sur le renouveau de cette plante de cocagne et ses usages, rendez-vous sur le site Bleu Pastel de Lectoure
Avec l’aimable autorisation des propriétaires de Bleu Pastel de Lectoure
Daniel Mathieu
Tela Botanica
7 commentaires
Article intéressant.
Historienne et ethno-botaniste de formation (MNHN) j’écris actuellement
un ouvrage sur la culture du Pastel
(la waide) en Picardie au Moyen-Age
Bonjour Madame, je viens de prendre connaissance de votre commentaire. Votre livre est-il paru svp ? mon adresse mel : cneyerlin@yahoo.fr, très cordialment, C. Neyerlin
Bjour Madame,
je travaille sur un projet éditorial sur les arbres et jardins en ville, à Bordeaux au cours des temps mais surtout à partir du XVIe siècle. J’ai pris connaissance de travaux sur le pastel dans le cadre des activités de la pépinière royale de la ville à partir de 1756
Je sais que ma réponse est tardive mais quand on fait de l’ethnobotanique c’est pour la vie
Bien cordialement
J-François Larché (anagalllis@hotmail.fr)
il est toujours bienvenu de parler de pastel mais on ne voit pas sur la photo que c’est une crucifère (brassicacée).
Pour avoir un peu travaillé le sujet en 1979, 1995 et 2014 (en journaliste) et vu cultiver des pieds de pastel, je m’interroge…
Cocagne vient d’un sirventes, poeme politique du troubadour du XIII ème siècle, Peire Cardenal assez remonté contre les envahisseurs francs et anglo normands (guerre contre les Albigeois) .
Voici le vers de Cardenal : » a paubre pais de Cocagne ! » que je ne traduirai pas.
Après le massacre de Beziers (5000 personnes brulées dans la cathédrale où toute la ville s’était réfugiée) le premier soin des guerriers fut d’aller voler les beaux vêtements de couleur dans les maisons à l’abandon (on le sait par les chansons).
Il y a bien 4 pétales en croix.
Dommage d’avoir passer sous silence la culture de cette plante tinctoriale nommée également waide ou guède ou « or bleu de picardie » qui fit également la fortune de familles d’Amiens au Moyen âge. Sa culture et son usage sont remis aux goûts du jour par Jean-François Mortier dans notre région (80170 Meharicour).
Bonjour Mr Téva je voulais savoir si cette plante n’est pas aussi appelée Usma grass