Décès de Joël Mathez
Une nouvelle fois, à l’aube de l’an nouveau, un botaniste systématicien français nous a tiré sa révérence et s’en est allé rejoindre le domaine de Flore. Joël Mathez, maître de conférences honoraires de l’Université Montpellier 2, a dédié plus de 50 ans de sa vie à la flore, en particulier celle du Maroc, et l’enseignement. S’il a pris un temps considéré par certains comme très long pour passer maître de conférences, ce ne fut jamais pour marquer un quelconque passéisme.
Au contraire il a suivi l’évolution de la botanique avec une acuité indéniable. Faisant partie de cette génération qui a vu passer les révolutions cladistiques, moléculaires ou numériques, il les a suivis sans réticences mais toujours avec un regard tout à la fois critique et bienveillant. Exigeant tant sur les questions de morphologie, de dénomination ou d’orthographe, je me souviendrai de ces échanges jusque tard le soir sur des thèmes allant des projets en cours, à la flore de tel ou tel territoire, en passant pas les herbiers ou l’histoire de la discipline. Avec d’autres, il a assuré la pérennité d’une école montpelliéraine de botanique, et s’est fortement impliqué dans les structures de connaissance et de conservation (Conservatoire Botanique National Méditerranéen de Porquerolles, Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel), mais aussi associatives (Tela Botanica, OPTIMA, Société Française de Systématique, Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault…). D’un point de vue scientifique, il est co-auteur de deux noms de genres, d’une dizaine de taxons nouveaux (espèces et sous-espèces) et d’une quinzaine de combinaison nouvelles, mais c’est surtout ses très nombreux écrits (plus de 70 articles à ma connaissance, un poly de cours particulièrement riche et un ouvrage sur les monocotylédones) et sa participation à la rédaction de la Flore pratique du Maroc qui marquent le plus son importante activité botanique.
Au-delà de ces éléments d’ordre académique, sa femme, ses filles et ses petits enfants peuvent garder en mémoire un homme qui était fier d’elles et d’eux, et qui appréciait particulièrement, au point d’en parler au milieu d’échanges « botaniques », son chalet dans les Cévennes et l’opéra.
Ses obsèques auront lieu le jeudi 3 janvier 2019, à 15h, au complexe funéraire de Grammont (Hérault).
Qu’il repose en paix
Valéry Malécot
8 commentaires
Pour Joël MATHEZ, de la part du président de Tela Botanica
C’est grâce aux Écologiste de l’Euzière que j’ai rencontré Joël en 1998, il y a tout juste 20 ans. Alors qu’il en était le président, je l’assistais en tant que trésorier de l’association. C’est alors que je lui faisais part de mon idée de créer une structure qui parlerait de botanique, mais de façon un peu originale : par Internet et de façon collaborative.
N’étant pas moi-même botaniste, il m’était difficile d’avoir la moindre crédibilité vis-à-vis de ceux dont c’était le métier ou la passion. Alors que d’autres n’accordaient aucun crédit à cette initiative, toi, Joël tu compris immédiatement ce qui pouvait se jouer en faisant entrer la botanique dans l’ère du numérique. Fort de ton appui et de ta reconnaissance il était désormais possible d’avancer sur ce chemin. Chemin que tu accompagnas de façon constante, à la fois critique et bienveillante.
Sans toi Joël, Tela Botanica n’aurait notamment pas pu tisser les liens avec la Société Botanique de France, liens qui lui ont permis d’entrer par la grande porte dans le monde des plantes.
Je me souviens avec beaucoup d’émotion, les nombreuses discussions que nous avions dans ton petit bureau de l’Institut botanique, aussi encombré de livres et de documents que d’idées originales. Tu avais le don d’écouter les propositions, même les plus farfelues, pour les valoriser dans ce monde que tu connaissais si bien, celui de la botanique.
C’est aussi grâce à toi que Tela Botanica a pu participer avec bonheur à la numérisation des types de l’herbier de Montpellier avec le soutien de la fondation Mellon, et entrer en relation avec nos amis du Maroc et, au-delà, avec ceux de l’OPTIMA sur l’ensemble du bassin méditerranéen.
C’est vers toi que je me retournais quand nous avions un doute ou une difficulté afin de recueillir ton avis. Et que dire de ta mission de relecteur pour tous nos textes dont tu étais le correcteur aussi impitoyable qu’incontournable…
Sans toi, Joël, Tela Botanica n’aurait jamais pu devenir ce qu’il est. Nous t’en sommes infiniment reconnaissants.
Daniel Mathieu
Président de l’association Tela Botanica
3 janvier 2018
Hommage à Joël Mathez de la part du président de la Société Botanique de France
Pour la Société botanique de France, ce jour et ceux écoulés depuis l’annonce du départ de Joël sont ceux d’une quadruple tristesse.
D’abord, Joël a été de nos botanistes les plus talentueux et les plus respectés. Dans sa carrière montpelliéraine, il a été réputé internationalement pour sa connaissance du Bassin Méditerranéen et de la flore du Maroc, mais aussi pour ses travaux centrés les Valérianacées et le genre Teucrium.
Pour son travail à l’Herbier de Montpellier, dont il était la vie, il laisse un vide terriblement irremplaçable – sur cet aspect, comme sur la flore du Maroc. Ces réalisations firent de Joël l’un de ses membres dont notre Société s’honore.
Pédagogue et enseignant dévoué et aimé de ses élèves (étudiants universitaires et thésards), il a fait pour la botanique ce que trop peu font : un attrait et un plaisir qui auront marqué durablement ses élèves. Car pour beaucoup, Joël représente le parfait enseignant en botanique, entre salle et terrain qu’il maîtrise parfaitement ; et bien enseigner la botanique, c’est mériter sa reconnaissance !
Pour la Société, Joël fut un membre fidèle, depuis 1965 où André Berton l’avait poussé à adhérer. Nous lui devons le lien qu’il a permis de tisser, à la fondation de Tela Botanica, entre notre Société et la « botanique électronique », illustrant le grand modernisme de son propre positionnement. Nous lui attribuâmes unanimement, en 2006, le Prix du Conseil de la Société botanique de France.
Enfin (et ses collègues et ses amis le savent très au-delà de la Société), Joël était chaleureux, serviable, patient et très attentif aux autres : cela se ressentait dans les échanges botaniques qu’il entretenait, et aussi dans son lien à notre société.
Qu’il me soit permis sur un ton plus personnel de témoigner de la grande affliction des botanistes qui ont échangé après ton départ, Joël. Nous t’aimions, Joël, botaniste et homme. Tu seras encore de nos pensées lorsque nous herboriserons, en particulier dans ces écosystèmes dont tu parlais si bien. Nous pensons tous à ceux qui restent et qui, tu nous le disais si souvent, comptent tant pour toi.
Marc-André SELOSSE,
Président de la Société botanique de France,
2 janvier 2019.
mes condéléances, nous avons perdu un sachant
Joel vous nous avez apporté beaucoup. Merci pour votre appui et votre soutien lors de la création du Conservatoire botanique national de Corse.
Ce fut pour nous une belle rencontre scientifique et humaine.
Bonjour,
je ne connais pas personnellement Mr Joël Mathez, mais j’ai lu vos commentaires et je suis très attristée par la perte d’un collègue qui a tant donné pour la botanique et son enseignement.
Au nom de tous mes collègues enseignants du département d’agronomie de l’université de Blida1 d’Algérie, permettez moi de présenter mes sincères condoléances à toute sa famille, ses collègues, ses amis et en particulier à toute l’équipe de Tela Botanica.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sergue%C3%AF_Iouzeptchouk
Hommage à Joël Mathez de la part de l’Université Mohammed 5 de Rabat, Institut Scientifique, dépt de Botanique.
Encore un autre jour triste pour la communauté botanique marocaine. Alors que nos mémoires sont toujours peinés par les souvenirs douloureux des disparitions récentes d’éminents botanistes, spécialistes et amateurs du Maroc (Peyre en avril 2015, Quézel en octobre 2015 et Benabid en juillet 2016), une nouvelle brutale vient raviver la douleur : Le 29 décembre 2018, Joël Mathez, spécialiste confirmé de la flore du Maroc et grand ami de notre pays, est décédé à la suite d’une longue maladie. A l’Institut Scientifique de Rabat, où le défunt a passé 13 années de sa vie professionnelle, la nouvelle est accueillie avec beaucoup de peine et d’émotion.
La relation de Joël Mathez avec le Maroc a commencé en 1963, année de son affectation à l’Institut Scientifique de Rabat, destin peu commun pour un jeune lauréat de l’Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud. Ainsi, à peine âgé de 23 ans, il aura la lourde tâche d’assurer la succession de Charles Sauvage à la tête du Département de Botanique et d’Ecologie Végétale. Dès lors, ses responsabilités allaient être partagées entre l’Herbier national « RAB » et le Jardin botanique de l’Institut Scientifique, l’enseignement à la Faculté des sciences de Rabat et ses recherches floristiques et écologiques sur le Plateau Central marocain.
En 1975, Joël Mathez regagne la France où il est nommé à l’Université de Montpellier. De là, bien que géographiquement loin du Maroc, il a toujours prêté une importance et une attention toutes particulières à notre flore. Une de ses grandes fiertés était sans doute la réalisation du projet « Flore pratique du Maroc » qu’il a co-initié, co-dirigé et suivi depuis 1982 jusqu’à 2014. Durant toutes ces années, de nombreux botanistes marocains ont pu avoir l’occasion de le fréquenter et de bénéficier de ses connaissances et compétences. Concrètement, il a encadré ou participé à la formation d’une dizaine de chercheurs, actuellement en exercice dans les universités nationales à Rabat, Casablanca, Marrakech…
A l’échelle extérieure, Joël Mathez a été la voix du Maroc en l’aidant à intégrer des projets, instances ou forums d’envergure comme le projet « Med-Checklist », l’Organisation « OPTIMA », le réseau « Tela-Botanica », « African Plant Initiative »…
Joël Mathez incarnait le dernier lien solide de la coopération botanique franco-marocaine. Et, il est certain qu’avec son absence, une page est tournée sans perspective de relève du moins à court terme.
Sur les plans humain et personnel, nous amis de Joël, nous garderons le souvenir d’un homme aimable, serviable et de bonne compagnie.
A sa chère épouse, ses filles et ses petits enfants, nous exprimons notre profonde affection et notre sincère sympathie. Nous partageons leur peine.
Que son âme repose en paix.
Fennane M., El Oualidi J., Ibn Tattou M. & Ouyahya A.
Univ. Mohammed 5 de Rabat, Institut Scientifique, dépt de Botanique
Hommage à Joël Mathez de la part du professeur Augé, président de l’Université de Montpellier et directeur de la Faculté des sciences
Agrégé en sciences naturelles, Joël Mathez a été chargé d’enseignement à la Faculté des sciences de Rabat durant 13 ans. C’est dans le cadre de cette mission de coopération au Maroc qu’il a dirigé l’herbier national et réalisé l’inventaire de la flore marocaine initié par d’illustres prédécesseurs (Louis Emberger, René Maire, Charles Sauvage).
Nommé à la Faculté des sciences de l’Université Montpellier II en 1975, il est affecté à l’Institut de Botanique. Grand spécialiste de la flore méditerranéenne, il dirige l’herbier et passionne des générations d’étudiants pour la botanique. Intarissable sur ce sujet, il ne s’arrêtait de parler de plantes que pour faire profiter de ses connaissances sur les insectes ou les oiseaux.
Pédagogue hors pair, toujours à la pointe de l’innovation dans ce domaine, il reste un modèle pour les nombreux professeurs en sciences de la vie et de la terre qu’il a formés au cours de sa carrière.
Il s’est aussi fortement impliqué dans la diffusion du savoir au plus grand nombre, notamment à travers sa participation à la création de « Tela Botanica » et des « Ecologistes de l’Euzière ».
Joël Mathez a dirigé le département de biologie-écologie au moment du passage au système LMD. Toujours préoccupé par l’intérêt des étudiants et la délivrance d’un enseignement de haut niveau, il a su animer ses équipes avec tact, patience et professionnalisme.
Après son départ à la retraite en 2006, Joël Mathez est resté très actif dans le monde de la botanique, en tant que membre de la Société botanique de France et collaborateur à l’herbier de l’Université Montpellier. Il a aussi consacré beaucoup de temps à mettre en ordre les nombreuses données de terrain qu’il avait à cœur de transmettre, notamment sur la flore du Maroc.
Au-delà du collègue brillant, nous garderons l’image d’un homme charmant, attentif aux autres et débordant d’humour. Son départ laisse un très grand vide.
Au nom de toute la communauté universitaire, nous présentons nos plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.