L’ensorceleuse : la morelle noire
Alors que j’écrivais un conte où je décrivais une potion de sorcière, composée de plantes plus ou moins maléfiques, il m’est arrivé quelque chose d’étrange… C’était la fin d’un jour humide et chaud à Malte et le soleil disparaissait dans un rouge flamboyant. Derrière moi, sur la terrasse, trônaient deux magnifiques Cycas et comme je lâchais le stylo pour les arroser, je vis dans l’un des deux pots à fleur de lys qu’une plante s’était invitée… Pas n’importe laquelle de surcroît. Une de celle dont je parlais dans mon conte : la morelle noire. Elle ne savait pas ou plutôt elle savait très bien qu’elle était ma plante préférée.
Solanum nigrum, ou morelle noire ou encore tue-chien, herbe maure, tomate du diable, herbe des magiciens… appartient à la famille des solanacées qui compte dans ses rangs des plantes nourricières comme la tomate, l’aubergine et la pomme de terre mais aussi des toxiques : datura, jusquiame, belladonne…
C’est une herbacée thérophyte (annuelle), entomogame (son pollen est dispersé par les insectes) et endozoochore (les oiseaux consomment ses fruits et rejettent ses graines).
Tantôt considérée comme adventice (mauvaise herbe contaminant les récoltes) ou consommée pour ses feuilles ou ses fruits en Afrique ou en Grèce, elle est comme beaucoup de plantes à la fois poison et remède.
Sa mauvaise réputation tient au fait qu’elle sécrète de la solanine, un glycoalcaloïde qui provoque diarrhée, fièvre et vomissements mais aussi des hallucinations… D’ailleurs, les sorcières du Moyen-age en prenaient pour se rendre au sabbat sans bouger de chez elles !
La morelle fut cependant utilisée comme analgésique au XIIIème puis comme sédatif au XVIIeme (baume du père tranquille), antiseptique, antispasmodique,… Pendant que j’écris ces lignes, une première fleur apparaît. Le conte peut continuer…
« Malgré les volets clos, on entendait quelquefois la sorcière chanter…
Datura morelle mandragore
Aconit ricin hellébore
Que le diable me pardonne
j’ai oublié la belladone !
Mesdames si vous avez trop d’un mari
et voulez vous débarrasser de lui
ou si Messieurs la jolie bergère
se métamorphose en mégère
Racines, feuilles et pétales
je connais toutes les fleurs du mal
et une goutte de mes tendres poisons
fait veuves et veufs à foison
J’ai aussi des filtres d’amour
pour les impossibles retours…
Voyez combien d’âmes esseulés
mes potions ont ensorcelé
Datura morelle mandragore
Aconit ricin hellébore
Que le diable me pardonne
j’ai oublié la belladone ! »
Cet article a été rédigé par Christian Grenouillet qui est biochimiste et conteur. Il propose des ateliers et des promenades entre botanique et légendes… Découvrez son site internet !
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Image à la une : Solanum nigrum subsp. nigrum par Gabriel CHAPUIS CC BY SA
11 commentaires
Merci, ce fut très agréable de lire ce rappel au petit matin avec la chansonnette dont il manque la musique pour qu’elle nous trotte dans la tête toute la journée. Sorcellerie et médecine se retrouvent dans nos plantes les plus communes.
Merci de votre commentaire. Je découvre chaque jour grâce à la botanique des trésors de vertus médicinales et de légendes…
Très sympa cette idée, découvrir ou redécouvrir des usages de plantes. Et cet article nous fait découvrir un conteur ensorceleur qui nous laisse sur la faim 😉
Merci !
Merci à vous et au plaisir de vous conter la suite un jour…
Belle idée pour redécouvrir ces plantes qui ont tant de choses à nous dévoiler!
A l’ile de La Réunion (et à l’île Maurice), les feuilles sont consommées sous le nom de brèdes morelle ou brèdes noires. Par contre, on écarte les baies considérées toxiques
Merci de cette précision, je vais en parler à une amie réunionnaise…
Intéressant. » Philtre d’amour » serait plus adéquat.
Oui, tout à fait ! J’aurais du filtrer davantatage les mots… 😉
Moi aussi je suis conteuse et je me suis intéressée il y a déjà 20 ans aux plantes magiques parce qu’une petite fée voulait concocter un philtre d’amour pour rendre un énorme et furieux dragon amoureux d’elle… Cela a failli marcher, je suis tombée amoureuse des plantes!
Qui connaîtrait la (ou le) grogeleine ? le(ou la) lamberge , la vœillée ?
Ce seraient des adventices de la berrerave.
Ces noms vernaculaires sont cités dans les mémoires de Louis Labourdais, né en 1923.
Merci infiniment.