« Philibert Commerson et Jeanne Barret, un couple de botanistes hors du commun » par La Garance Voyageuse
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1er février 1767. La flûte L’Étoile quitte Rochefort en emportant à son bord plus d’une centaine d’hommes parmi lesquels le médecin naturaliste du roi, Philibert Commerson. Âgé de 39 ans, il va réaliser le rêve que caressent beaucoup de ses condisciples : partir à la découverte de terres inconnues. Recommandé par son ami d’enfance, l’astronome Joseph-Jérôme de Lalande, Commerson fait partie de la première expédition française autour du monde. C’est le roi Louis XV qui est à l’origine de cette circumnavigation : il a commandé au capitaine de frégate Louis-Antoine de Bougainville, « colonisateur » des Malouines, de restituer cet archipel aux Espagnols et, cette mission diplomatique accomplie, de « reconnaître dans l’océan Pacifique autant et du mieux qu’il lui sera possible les terres gisantes entre l’Inde et la côte occidentale de l’Amérique dont différentes parties ont été aperçues par des navigateurs » ; il doit aussi examiner « les terres, les arbres et les principales productions » et rapporter « des échantillons et des dessins de tout ce qu’il jugera pouvoir mériter attention« . Bougainville est ainsi parti de Brest, le 5 décembre 1766, à bord de la frégate La Boudeuse et Commerson va le rejoindre en embarquant sur le deuxième navire affrété pour cette expédition.
La travestie de L’Étoile
Ayant le droit d’être accompagné par un valet, Philibert emmène avec lui Jean Baré dit Bonnefoy. Un petit homme bien étrange, ce Jean, aux yeux de l’équipage : malgré ses 27 ans, ses joues sont imberbes, sa voix est aiguë et son visage trop lisse surmonte des épaules étroites et des hanches larges… C’est que, sous ces habits masculins, se cache une femme, Jeanne Barret, la maîtresse de Philibert, qui a insisté pour être aux côtés de son amant dans cette aventure hors du commun. Seulement, depuis l’ordonnance de Louis XIV datant de 1689, il est défendu aux officiers et aux hommes d’équipage « de mener des femmes à bord pour y passer la nuit, et pour plus longtemps que pour une visite ordinaire« . Jeanne s’est donc travestie en homme pour assouvir sa soif de découverte, elle a gommé sa féminité en coupant sa longue chevelure et en camouflant sa poitrine sous un bandage serré. Pendant plus d’un an, elle réussira plus ou moins à tromper son entourage, ne ménageant pas ses efforts pour accomplir, comme les autres membres de l’équipage, les dures tâches nécessaires au fonctionnement et à l’entretien du navire.
À la découverte de la flore d’Amérique du Sud
Le comte de Bougainville doit rejoindre Commerson après avoir accompli la première partie diplomatique de sa mission : rendre les Malouines aux Espagnols. La rencontre des deux bateaux a lieu le 21 juin 1767 à Rio de Janeiro. L’Étoile a déjà abordé l’Amérique du Sud depuis plus d’un mois, mais, la flûte prenant l’eau, il faut réparer les avaries et Bougainville décide d’hiverner à Montevideo. Durant ses séjours à Rio et Montevideo, Philibert explore la forêt tropicale ; Jean(ne) l’aide à récolter des échantillons de toutes ces plantes, plus extraordinaires les unes que les autres, qu’ils rencontrent à chacune de leurs excursions.
Parmi celles-ci, ils découvrent un arbuste sans feuille, mais hérissé d’imposantes épines plates et vertes, en forme de triangles à pointes acérées et disposées en croix le long des tiges. Commerson baptise ce buisson particulièrement rébarbatif du nom de Colletia cruciata en « l’honneur » du botaniste et magistrat Philibert Collet, un Châtillonnais comme lui, mais qu’il n’apprécie guère… Cette Rhamnacée (comme le nerprun ou le paliure de nos garrigues) possède des nodules racinaires abritant des bactéries symbiotiques fixatrices d’azote gazeux : une association étonnante puisqu’elle caractérise normalement les Fabacées. Colletia cruciata partage cette particularité avec quelques rares membres de sa famille.
La forêt brésilienne renferme des plantes plus sympathiques : au cours d’une de ses explorations des environs de Rio de Janeiro, Philibert tombe en arrêt sur devant une liane flamboyante, « une plante admirable aux larges feuilles d’un violet somptueux« . En y regardant de plus près, Jeanne et Philibert se rendent compte que cette couleur « somptueuse » ne vient pas des fleurs elles-mêmes, mais de grandes bractées colorées disposées par trois et portant chacune à son aisselle, une insignifiante petite fleur blanche. Le naturaliste décide de rendre hommage au capitaine de l’expédition en nommant sa belle découverte végétale : Bougainvillea.
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