Chine : Le Ministre des abricotiers
Song Qi (宋祁 [sòng qí], 998-1061), servit à l’époque de la dynastie des Song du Nord (960-1127). Il fut reçu au concours du doctorat, le concours du niveau le plus élevé, en 1024. Réputé pour l’élégance de sa plume, il fut chargé, avec un autre homme de lettres de grand renom, Ouyang Xiu (欧阳修 [ōuyáng xiū], 1007-1072), de réécrire l’histoire officielle de la dynastie des Tang. Ce travail prix dit ans aux deux lettrés. En récompense de ses bons et loyaux services, Song Qi fut nommé Ministre des travaux publics.
Les mandarins chinois se préparaient aux concours impériaux en étudiant assidûment les classiques confucéens. Pendant leurs loisirs, ils s’adonnaient à la poésie, à la calligraphie, à la peinture, à la musique… domaines dans lesquels, souvent, ils excellaient. Ouyang Xiu et Song Qi avaient ainsi en commun l’amour de la très délicate et très érudite poésie chinoise chantée, genre majeur de l’époque des Song. (Ouyang Xiu fut aussi remarqué pour l’excellence de sa prose.) Quant à Song Qi, bien moins connu que son collègue, c’est un poème intitulé Paysage de printemps qui lui valut la célébrité. Voici ce poème :
《玉楼春·春景》
东城渐觉风光好,縠皱波纹迎客棹。绿杨烟外晓寒轻,红杏枝头春意闹。
浮生长恨欢娱少, 肯爱千金轻一笑。为君持酒劝斜阳,且向花间留晚照。
Et ci-dessous, ma modeste traduction :
Paysage de printemps (sur l’air « Printemps sur le pavillon de jade »)
Les paysages à l’est de la ville gagnent en beauté, les fines rides de l’onde embrassent la barque du visiteur.
Au-delà des peupliers virides, la fraîcheur matinale reste douce, et le printemps tapageur s’accroche aux branches des abricotiers.
Si rares sont les plaisirs de nos vies fugitives, qu’importent mille onces d’or en échange d’un doux sourire.
Levons nos coupes et implorons le soleil ponant, qu’il laisse encore errer ses lueurs vespérales parmi les fleurs.
Le vers « le printemps tapageur s’accroche aux branches des abricotiers » est unanimement reconnu comme l’un des plus beaux vers de la poésie chantée des Song. C’est ce vers qui valut à Song Qi le surnom de « Ministre des abricotiers » (红杏尚书 [hóngxìng shàngshū).
5 commentaires
Quelle délicieuse histoire, merci de la partager.
Il y a si peu de poésie aujourd’hui par ici.
Quelle belle histoire ! On peut s’étonner de découvrir tant de délicatesse quand, au même moment, l’Europe médiévale était si rude. Et la peinture qui illustre le poème est très judicieusement trouvée.
Petit moment poétique, dans ce monde devenu affreusement laid et tapageur d’un son autre que celui des oiseaux.
Poésie, beauté et raffinement pour adoucir notre quotidien,
Merci