Rêve prairie
Je me réveille comme dans un rêve, enveloppé de parfums que la rosée du matin révèle sur le bord du chemin ! Les cheveux d’anges des « stipes pennées » dansent sur les hauts plateaux des Gorges du Tarn, elles sont les herbes folles, la chevelure blonde du causse Méjean.
Ici, le vent colporte des histoires et des légendes mais il sème aussi les fleurs des champs, le « coquelicot », la « marguerite » et le « réséda blanc ». Il vous courbe le dos mais cela vaut la peine, car c’est aux pieds des graminées que se cachent les belles oubliées, « l’adonis » et la « légousie », « miroir de Vénus » où se reflète le tendre « bleuet ». Partout des pierres patiemment empilées protègent du vent ce qui reste de blé… Je songe à ces hommes, qui ont pactisé ici avec la terre depuis des millénaires. Ont-ils vu la « sauge des prés », la « vipérine » et la « jaune linaire » ? Certainement, comme eux, le peuple silencieux des simples était en marche vers une commune destinée… Comme eux il a souffert des rudes hivers, des sécheresses, des maladies et sans le savoir ils se sont entraidés. L’un ouvrant le milieu favorable à la plante, l’autre offrant le grain, la fleur et la feuille qui soignent et se mangent ! L’histoire aurait pu être belle mais le pacte est rompu, l’homme a trahi le peuple silencieux des herbes.
Mais la plante n’est pas rancunière, les tombants des gorges abritent des princesses sous le couvert des pins, des sorbiers et des hêtres. Tandis que sur le causse danse le petit peuple, troubadours, « amourettes » et filles légères, ici poussent, le « sceau de Salomon » endimanché de pendentifs aux diadèmes immaculés, la « campanule remarquable », clochettes d’améthyste suspendues à la verticalité, les diamants des « grandes astrances » et le joyaux dédié à la belle Vénus, qui là-haut a son miroir, ici a son sabot ! « Cypripédium calceolus », le « sabot de Vénus » dont la beauté faillit causer la perte, résiste ici aux convoitises des hommes ! De retour sur le plateau, le soleil au couchant embrase les « stipes pennées ». Allongé parmi les herbes folles enivré par « l’odeur du soleil dans l’herbe », titre du plaisant « Journal de nature » de l’écrivain naturaliste, »Yves Paccalet », j’observe les curieuses ombelles du « Scandix pecten-veneris », le « peigne de Vénus ». La déesse de la beauté peut remercier les nomenclateurs de tant de largesses !
Des insectes par milliers sautent et volent au-dessus des graminées comme des bouchons de champagne sur une table de banquet où s’invitent « gaillets », « silènes » et « orchidées ». La nature est en fête et je suis convié à cette « Rêve prairie » clandestine !
Le spectacle est rassurant, la diversité est ici gage de richesse, d’équilibre et la beauté qui en émane en détient les secrets.
Prenons exemple, renouons le pacte avec les herbes folles, avec le sauvage, avec le vivant dans sa globalité pour que les enfants de demain puissent encore s’en émerveiller.
Cet article a été rédigé par Patrick Canal suite à l’appel à articles sur le thème “Les herbes folles du milieu urbain au monde rural”
Si le thème vous intéresse, nous vous invitons à consulter les conditions de participation en cliquant sur le lien ci-dessous et à nous transmettre vos articles à l’adresse suivante : appel_article@tela-botanica.org ! Au plaisir de vous lire !
4 commentaires
C’est un magnifique texte; une ode à la nature et un appel à renouveler l’alliance des temps anciens ou l’homme et la nature vivaient ensemble .
Merci merci pour ce beau texte !
Je reconnais bien là toute la flore de notre belle Lozère, si riche…( j’y habite !?). On ne se lasse pas de découvrir ses richesses , encore préservées !
L’Ariège ou je réside et la Lozère partagent cette singularité qui réunie les amoureux de la nature !
Bien à vous
P-C
Très beau texte. Merci beaucoup !