Glanes étymologiques : melegueta, maniguette
Aframomum melegueta K. Schum. est une Zingiberaceae de l’Ouest africain, dont les graines sont aujourd’hui connues sous le nom de maniguette, et l’étaient jadis sous celui de graines de paradis (granum paradisi). Quand les Portugais ont commencé à en faire commerce au XVIe siècle, on l’a perçue comme un substitut du poivre, et appelée parfois poivre de Guinée. A la différence des amomes et des cardamomes, ce sont les graines qu’on utilise, et non le fruit entier.
L’une fait naître le nom dans le portugais parlé dans le golfe de Guinée. Ce pourrait alors un dérivé de Melle ou Mali, nom d’un ancien empire du haut Niger. Le terme de Malaguette ou Maniguette n’apparaît en effet qu’après 1419 pour désigner une région du golfe de Guinée où les Européens se procuraient ces fameuses graines de paradis. Ainsi le voyageur flamand Eustache Delafosse (vers 1520) écrit en français, « la Manighette qui est la coste de la graine de paradys ». Ce n’est qu’en 1455 (en italien) et en 1544 (en français) que le mot commence à désigner l’épice, en référence à la côte de Guinée ou au Cap-Vert. Mais on ne s’explique pas la terminaison -guette.
L’autre théorie fait venir le nom de l’italien meleguetta, diminutif de melega, meliga ou melica, « sorgho ». Ce dernier vient soit de medica (« de Médie »), soit de milium (millet). C’est l’avis de Caspar Bauhin : « Hoc Cardamomi minoris loco aliqui utuntur & Melegeta dicitur, propter similitudinem quam cum Melicæ semine habet » [On l’utilise à la place de la petite cardamome et on l’appelle Melegeta, pour la ressemblance qu’elle a avec les graines de sorgho] (Pinax, 1671, p. 413). Parmi les premières mentions historiques, on trouve le portugais malagueta (Garcia da Orta, 1563, Coloquios dos Simples, colloque 13) et le français maniguette (Thevet, 1557, Thevet, Singularitez de la France antarctique, p. 32) : « Je ne veux omettre qu’en la Guinée, le fruit le plus frequent, & dont se chargent les navires des païs estranges, est la Maniguette, tresbonne & fort requise sur toutes les autres espiceries ».
De fait, le mot melegeta existait déjà en latin médiéval d’Italie, en référence à une épice. Dans son Glossarium mediæ et infimæ latinitatis, Du Cange donne deux citations, dont celle du voyageur Odorico di Pordenone (1286–1331) : « In ipsa (Insula Java) nascitur camphora, cubebæ crescunt, et Melegetæ, nucesque musquatæ ». Il ne s’agissait pas alors de la maniguette, mais d’un type d’amome.
La source qui me paraît décisive est le texte de Luigi Cadamosto, navigateur vénitien engagé par le prince portugais Henri le Navigateur, et qui a exploré les côtes de Guinée en 1455 : « … alla terra de’ Negri, e di là tragono oro e meleghette che conducono di qua ». Ceci expliquerait pourquoi les Européens ont emprunté un mot italien pour nommer cette nouvelle épice qui a connu alors son heure de gloire, et que les Portugais appelaient au départ grão do paraíso. Elle est ensuite tombée dans un oubli relatif, et aujourd’hui, malagueta désigne un piment Capsicum en portugais.
3 commentaires
Bonjour Michel,
La maniguette a-t-elle une saveur différente des « baies roses »et est-elle moins toxique ?(si les schinus le sont vraiment,il n’y a aucune mention sur les contenants commerciaux ).
Amitiés.Francis
Cher Francis,
Comme on dit, « la dose fait le poison ». Donc de toute façon, une épice qu’on utilise occasionnellement et en petite quantité est inoffensive.
Dans le passé, on a dit que la noix de muscade était très toxique, mais c’était à haute dose.
Pour la maniguette, je viens de vérifier Wikiphyto : http://www.wikiphyto.org/wiki/Poivre_de_Guin%C3%A9e
Aucune info de toxicité. Les graines contiennent de l’eugénol, et elles ont la réputation d’être aphrodisiaques !