Des planches botaniques aux bulles : duet de bandes dessinées #Art et Botanique

La première s’appelle Nanou Diana, la seconde Alice C. Roussel*. Toutes les deux ont suivi le même cursus au Collège Pratique Ethnobotanique de François Couplan en 3 ans, la première en 2016, la seconde en 2018. Sans se concerter, chacune à leur manière, ces deux dessinatrices vont commencer à dessiner des planches botaniques puis approfondir leur relation aux plantes par la bande dessinée pour leur mémoire de fin d’études.

Inspirés de l’exercice répété de la planche botanique, fondamental dans le cadre de cette formation, ces deux projets sont nés d’une même impulsion : celle de transmettre. Le genre de la bande dessinée, par sa spécificité de combiner arts graphiques et récit, s’est imposé dans les deux cas comme une évidence.

Sous forme d’un voyage initiatique et onirique, profond et chatoyant, mettant en scène trois enfants initiés par une forêt magique, ces 3 ans d’expérience aboutiront pour Nanou à sa première publication intitulée « Trésor de cellulose », publiée en 3 tomes aux éditions YIL. La bande dessinée est disponible à la vente en ligne sur le site de son éditeur YIL.

Pour Alice, son expérience se construit au fil des gaffes, recettes et dégustations en plein air, de saison en saison et au gré des rencontres, sous une forme autobiographique combinant humour et pédagogie avec la relecture de François. La chronique est accessible en ligne sous le nom « À l’Ombre du Pissenlit » publiée à un rythme hebdomadaire de novembre 2020 à avril 2022 sur son site Le pinceau pissenlit.

Dans cet article, chacune présente sa relation à la plante et comment celle-ci a évolué de la planche botanique à la bande dessinée.

"Trésor de cellulose" par Nanou Diana

« Mes rencontres végétales commencent, la plupart du temps, par un dessin. J’aime placer toute mon attention sur la morphologie de la plante, en observer les détails pour en faire le portrait. La dessiner me relie à elle. Je lâche prise et me laisse charmer par sa poésie d’être. Une fois imprégnée de cette rencontre, je la couche sur le papier. Mon crayon court sur la page comme s’il connaissait le chemin par cœur. Équilibres, volutes, inflorescences, tout se met en place. C’est comme si je découvrais progressivement une carte à gratter. Puis enfin, le moment de mettre en couleurs ! Les premières touches ouvrent une brèche de chaos dans l’harmonie du monde et je travaille d’arrache-pied à rétablir un nouvel équilibre englobant cette production. Tant que je vis l’insatisfaction, c’est que ce n’est pas achevé. Puis vient la touche finale, celle qui fait vibrer le tout et résonne avec ce que j’ai ressenti face à la plante.

Après ça, les questions fusent : qui est-elle ? A quoi ressemble le lien qui nous unit ? De quelle nature est son lien à l’environnement ? Et le mien ? etc. Des questionnements qui me plongent dans une sorte d’enquête frénétique en quête d’une révélation sur la vie et me permettent de voyager dans les ouvrages de botanistes passionnés. Émergent alors cohérence et émerveillement. C’est par l’image que j’intègre ce voyage, et par la bande dessinée que je le partage.

Ce qu’il me tient à cœur de transmettre, c’est la curiosité et l’émerveillement que m’inspire le monde végétal. Se poser des questions, c’est se donner l’opportunité d’entrevoir la richesse et l’intelligence du Vivant. C’est, à mon avis, en prenant conscience d’une telle richesse qu’on apprend à respecter la nature et à la préserver et qu’on peut se positionner de façon responsable sur notre planète. »

Sonchus oleacerus crayon papier Nanou Diana
©Sonchus oleacerus crayon papier, Nanou Diana
Sonchus oleacerus couleur 1 Nanou Diana
©Sonchus oleacerus couleur Nanou Diana

Ses planches sont accompagnées de textes poétiques : « …Et je rencontrai le Sonchus oleraceus

Au cours d’une balade, je tombai nez à nez avec un individu superbe d’au moins un mètre dix ! Il m’arrivait bien en haut de la cuisse ! Ce qui tout d’abord appela mon regard, c’est cette tige splendide, une tige couleur grenadine à section pentagone, de trois bons centimètres de diamètre, d’aspect vigoureux et fièrement érigée vers le ciel, impressionnant ! Puis, je me laissais emporter par les volutes de ses feuilles rougissantes à la marge irrégulièrement dentée, rappelant un peu les déferlantes par fort vent d’est à la manière d’Hokusai… À cette heure où le soleil déclinant donne des reflets dorés à tout ce qu’il touche, je fus traversée par l’idée qu’il s’agissait là d’une sorte de brochet magique version végétale… »

Sonchus oleacerus couleur 2 Nanou Diana
©Sonchus oleacerus couleur, Nanou Diana

Son style et cette relation directe avec la plante l’ont ainsi inspirée pour son mémoire de fin d’étude en bande dessinée. «Trésor de cellulose est une trilogie qui raconte l’histoire de trois aventuriers en quête d’un légendaire trésor enfoui dans la forêt. Au cours de leur périple, ils rencontrent des arbres maîtres qui leur dévoilent des merveilles sur des thèmes de la Nature. »

BOOK RECADRE - Copie-1
©Planche extraite de "Trésor de Cellulose" - Tome 1, Nanou Diana
Trésor de cellulose Nanou Diana tome 1
Planche extraite de "Trésor de cellulose" - Tome 1, Nanou Diana

« Le premier tome aborde principalement la paléobotanique. On y découvre les stratégies de la Nature pour s’adapter aux changements de conditions climatiques du précambrien jusqu’à l’invention de la fleur. On y trouve aussi des bases de terminologie botanique et quelques recettes bien utiles aux « explorateurs en herbes ».

BOOK RECADRE - Copie-20
©Planche extraite de "Trésor de celluose" - Tome 1, Nanou Diana
BOOK RECADRE - Copie-25
©Planche extraite de "Trésor de celluose" - Tome 1, Nanou Diana
BOOK RECADRE - Copie-29
©Planche extraite de "Trésor de celluose" - Tome 1, Nanou Diana

« Le second tome illustre la vie du sol, la reproduction des plantes, la dissémination des graines… Il met l’accent sur la coopération entre les règnes : chacun joue sa partition et participe à la symphonie du Vivant. »

BOOK RECADRE - Copie-70
©Planche extraite de "Trésor de Cellulose" - Tome 2, Nanou Diana
BOOK RECADRE - Copie-98
©Planche extraite de "Trésor de Cellulose" - Tome 2, Nanou Diana
BOOK RECADRE - Copie-118
©Planche extraite de "Trésor de Cellulose" - Tome 2, Nanou Diana
BOOK RECADRE - Copie-117
©Planche extraite de "Trésor de Cellulose" - Tome 2, Nanou Diana

« Le troisième tome parle d’ethnobotanique, des relations tissées entre hommes et plantes : plantes de sorcières, plantes chamaniques, plantes tinctoriales, agriculture, place de l’homme dans la Nature. »

BOOK RECADRE - Copie-158
©Planche extraite de "Trésor de Cellulose" - Tome 3, Nanou Diana
BOOK RECADRE - Copie-170
©Planche extraite de "Trésor de Cellulose" - Tome 3, Nanou Diana
BOOK RECADRE - Copie-159
©Planche extraite de "Trésor de Cellulose" - Tome 3, Nanou Diana
BOOK RECADRE - Copie-166
©Planche extraite de "Trésor de Cellulose" - Tome 3, Nanou Diana
BOOK RECADRE - Copie-177
©Planche extraite de "Trésor de Cellulose" - Tome 3, Nanou Diana

Si le travail de Nanou vous a conquis, n’hésitez plus, « Trésor de Cellulose » est disponible à la vente en ligne !

À l’Ombre du Pissenlit – par Alice C. Roussel

« Mes rencontres végétales ne sont jamais planifiées : quand il m’arrive de chercher une plante, je finis par m’attarder sur une autre. De l’inattendu naît la surprise et cette surprise suscite chez moi l’enthousiasme. D’abord celui d’observer, de toucher, de sentir, d’écouter, de comprendre, voir en fonction de ce que j’apprends, de goûter. Quand le lien avec la plante est établi, alors si la météo me le permet, je la dessine sur place sans la cueillir. Par mauvais temps, je la mets en pot pour la dessiner le plus vite possible le soir, puis je la replante le lendemain avec un bon arrosage (si c’est pertinent). Mon but est véritablement d’observer la plante vivante de la façon la plus exacte possible sans y associer un prélèvement éphémère qui accélérerait son flétrissement.

Cet exercice, répété pendant un an et demi chaque semaine, a donné chez moi un style rapide assez épuré que je complète ensuite à l’aquarelle par des couleurs vives. »

« Toute la première année, je gardais ces dessins pour moi jusqu’à ce que d’autres élèves de la
formation s’expriment sur leurs différents blocages en dessin. J’ai alors l’idée d’amener mon classeur pour les encourager en leur montrant que c’est le fait de dessiner qui importe et non le résultat. L’enthousiasme que le partage de ces dessins a suscité m’a à la fois surprise et touchée. Les planches ont été associées à un style « bande dessinée », ce à quoi je n’avais pas du tout songé.

Progressivement, l’idée d’une bande dessinée a germé quand je me suis mise sur le côté à raconter sous forme de sketches en une page des anecdotes amusantes autour de ma vie de couple, inspirées notamment de Catanacomics. Ces récits associés à mes tentatives plus ou moins réussies autour de la cueillette, entre autres discussions autour de la peur de l’empoisonnement, ont fini par me convaincre de les combiner sous la forme d’une chronique.

Les sentiments de joie et de satisfaction que je ressens à la découverte d’une toute petite plante qui jusque là passait inaperçue, à l’odeur délicieuse et inhabituelle, aux couleurs éclatantes sont tels, que l’enfant que je suis aussi s’exprime avec l’envie irrépressible d’en faire profiter tout le monde, parce que c’est rigolo ! »

« Entre temps, il arrive que je sois assaillie de doutes, je peux avoir peur de me tromper. C’est à ce moment-là que j’introduis les éléments plus pédagogiques qui me semblent les plus pertinents sur le moment, c’est-à-dire les réponses aux questions que je me suis moi-même posées. »

« Les rencontres humaines m’inspirent également beaucoup, car elles créent aussi du contraste. Ce contraste peut naître de mes propres préjugés, à mes dépends du coup (sinon c’est moins drôle) ou bien de ceux des autres, quand ce ne sont pas eux qui, au contraire, m’ouvrent plutôt les yeux. Il est rare que je dépeigne mon entourage sous un jour négatif car je pars du principe que c’est moi l’élève, dans la bande dessinée (comme en vrai d’ailleurs). Mes proches, en particulier mon compagnon, ne partagent pas nécessairement ma passion mais n’en sont pas moins des personnages bienveillants qui se prêtent volontiers à la découverte, à condition de ne pas passer des heures avec moi à la cueillette ou en cuisine. C’est l’occasion de montrer la botanique et le mode de vie qui va avec sous un jour réaliste derrière l’humour, avec ses hauts, ses bas, ses journées bien remplies après une heure de bouchon sur l’autoroute, son mauvais temps, sa flemme, etc. »

« Ce qui me tient le plus à cœur, c’est de partager la joie de la découverte avec tout ce qu’elle a d’accessible. La botanique est certes rigoureuse, mais elle n’est pas hermétique. Tous les jours, nous mangeons des végétaux sans vraiment nous inquiéter de leur provenance ou de leur essence, sous prétexte qu’ils viennent d’un environnement « contrôlé ». Si les plantes plus sauvages nous font hésiter davantage, c’est simplement parce qu’elles nous sont inconnues. Pourtant, la flore qui nous entoure est généreuse en goûts et en propriétés nutritionnelles. Parce que je comprends ces craintes mais en connais aussi les limites, il m’importe de démystifier la cueillette pour en donner l’envie. »

« Après un an d’essais, j’en suis arrivée à ne pas faire d’autre plan que celui de présenter les différentes parties de la plante au fil des saisons. Il était essentiel de me laisser la place pour de nouvelles expériences au fur et à mesure de mon apprentissage et de me laisser de la flexibilité pour ajouter des anecdotes au fur et à mesure. C’est pour cela que j’ai fait le choix d’une chronique hebdomadaire pour me donner aussi l’impulsion de sortir le plus possible.

C’est ainsi que j’ai publié, quasiment chaque semaine (le rythme s’est ralenti lors des derniers mois) de novembre 2020 à avril 2022, 65 pages en ligne sur mon site internet et sur les réseaux sociaux. Il me tenait à cœur de partager l’expérience au fur et à mesure pour recueillir des avis et des témoignages complémentaires, ce qui m’a effectivement servi pour corriger quelques erreurs et tester de nouvelles recettes ! »

La BD est intégralement disponible sur www.lepinceaupissenlit.com et cherche désormais à faire peau neuve auprès d’un éditeur.

Si le travail d’Alice vous a conquis, n’hésitez pas à visiter son site Internet !

Sources citées 

* À ne pas confondre avec son homonyme Alice Roussel auteure des deux ouvrages suivants : « Herbier des feuilles d’arbre et des forêts » et « Herbier des feuilles d’arbres des parcs et des jardins », aux éditions Mosaïques Santé.

Répondez à l'appel à articles "Art et botanique"

Vous aussi participez à notre appel à articles « Art et Botanique » jusqu’au 10 novembre 2022 ! Retrouvez toutes les conditions de participation en cliquant sur le lien ci-dessous.

  • Appel à articles "Art et botanique"

    Peinture, sculpture, architecture, musique, littérature, les herbes ont su se glisser dans tous les arts. Sources d’inspiration, elles ont donné lieu à des chefs-d'œuvre reconnus comme "Les Nymphéas" de Monet …

1 commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.