32ème Conférence d’Illustration Botanique organisée par L’ASBA (American Society of Botanical Artists) #Art et Botanique

Même si les talents asiatiques n'ont pas marqué de leur présence cette année, le 32ème congrès annuel d'illustrateurs botaniques qui s'est tenu à New York du 19 au 22 octobre dernier, conséquence probable de l'effet post-Covid, témoigne une fois de plus de l'immense richesse du champ actuel de l'illustration botanique à travers le monde.

Ce rassemblement d’artistes venus du monde entier a le mérite, grâce à ses moyens considérables, de dégager les grands mouvements de fond qui traversent aujourd’hui le domaine de l’illustration botanique, situé plus que jamais aux confins de l’art, de la science, de l’éducation, et de la préoccupation écologique.

En effet, depuis sa fondation en 1994, l’ASBA a sans cesse labouré ce champ fertile en augmentant le nombre de ses abonnés au plan mondial (2000 abonnés aujourd’hui représentant un grand nombre de pays) :

  • en organisant des expositions d’artistes sélectionnés par des jurys et présentés dans le monde entier ;
  • en publiant quatre fois par an un bulletin de grande qualité, riche en informations et en images ;
  • en animant un excellent site internet au service d’un public averti et au service de l’éducation ;
  • en utilisant les réseaux sociaux pour sensibiliser de nouveaux pratiquants ;
  • en publiant un ouvrage de référence “Botanical Art and Techniques”, complété par un programme en ligne de cours de haut niveau.
ASBA_stacked
Logo de l'ASBA

Au-delà de ces missions essentielles, l’ASBA a à cœur de faire vivre une communauté interactive afin de maintenir la tradition et la pratique de l’art botanique. Les conférences organisées chaque année permettent ce type d’échanges.

Mais L’ASBA ne perd pas de vue une vision à long terme car elle a une conscience aiguë de la part importante que joue l’illustration botanique dans l’histoire de l’art en général, plus particulièrement aujourd’hui où l’on voit à nouveau l’art contemporain s’enrichir et se nourrir de ces pratiques ancestrales, de l’impérative nécessité de faire travailler la main, du souci constant d’observer la nature, le détail, l’infinie délicatesse des petites choses. « La nature n’est pas morte », comme en témoigne la somptueuse exposition qui a lieu au Louvre en ce moment, et le peintre botaniste a encore de belles heures devant lui.

Cette communauté graphique offre une infinité de techniques sophistiquées, toujours basées sur le travail exclusif de la main, s’inscrivant dans la longue tradition du livre illustré à des fins scientifiques ou décoratives. A force de petites révolutions silencieuses, à force de recherches approfondies concernant les papiers utilisés, les supports tels que les vélins de toutes sortes, les matériaux, les pinceaux, les pigments, les crayons, les mines d’or ou d’argent, les poudres de perle, ce monde privilégié où l’on se chuchote les secrets transcende les modes, évolue en silence à pas de loups, en dehors des chemins battus et des hurlements de l’art. C’est pour mieux affirmer son importance basée sur la méditation et la réflexion, face au monde des robots ou des catastrophes écologiques.

Il y a de l’émotion dans chaque oeuvre, de la sincérité. On ne triche pas lorsqu’on veut capter l’humilité de la violette, le blanc du narcisse, l’éclosion de la graine.

Parmi les artistes  réunis lors de ce Congrès ou présentés lors des Conférences, pour n’en citer que quelques uns, on a pu remarquer à quel point leurs oeuvres offrent de nos jours de multiples applications. Qu’il soient récompensés par des prix ou des médailles, ou bien que leurs productions aillent directement dans les musées, les illustrateurs s’expriment dans des champs divers, et, comme le dit si bien Irina Neascu (Roumanie), passent “du jardin à la cuisine », à la gastronomie, à la pharmacie, à la mode, au textile, ou à l’éducation… toujours avec le même souci d’émerveillement.

Que ce soit le travail de Sharon Field (Australie), finaliste du Waterhouse Natural History Art Prize, qui repousse sans cesse les frontières de l’illustration traditionnelle et en fait une métaphore sur le temps qui passe avec son rouleau sur papier “Scroll of 3000 days », que ce soient les travaux sur les lichens de Shevaun Doherty (Irlande),  qui célèbrent la biodiversité ainsi que ceux d’Esmée Winkel (Pays-Bas), concentrés sur “l’espoir des graines“, on  remarque que les peintres se spécialisent et approfondissent des thématiques pointues. Ils nous invitent à un voyage au cœur de la nature et à une attention plus aiguë à nos environnements, en inspectant par exemple les haies, les bordures, les cours de banlieues avec Ann Greenwood (Australie), spécialiste de l’Anthropocène,  préoccupée par l’influence croissante de l’être humain sur les écosystèmes.

Botanical Fine Art
©Sharon Field, "A rose by any other name", Gossypium sturtianum

Margaret Saylor (Pennsylvanie) travaille sur l’évolution des champignons. Jean Emmons (Washington), dotée de prix prestigieux, cultive elle-même ses plantes. Imprégnée d’enluminures, elle  fait vibrer ses dahlias noirs comme des vitraux de cathédrale. Vincent Jeannerot (France) enrichit de son art virtuose les soieries lyonnaises. Claire Leroux-Daublain (France) pousse à la folie le dessin naturaliste hyperréaliste au stylo à bille, brouillant la frontière entre dessin et photographie. Margaret Best (Canada) fait sans cesse l’éloge de la lenteur au travers de ses enseignements. La liste est si longue ! Fiona Strickland (Ecosse) explore la technique de “l’aquarelle en négatif“ pour exprimer la soie des duvets. Rendons un hommage particulier à Lizzie Sanders (Ecosse), récemment disparue, et dont les écorces deviennent de l’art abstrait.

Nous voudrions allonger encore cette liste impressionnante et, pour clore ce bouquet, en écho aux événements d’outre-atlantique, citons l’exposition qui commence à la Société d’Horticulture Française à Paris, faisant honneur à l’œuvre de Eulalia de Valdenebro (Colombie) qui nous met en garde sur la standardisation du vivant, ses effets nocifs, et l’impérative nécessité de ne pas séparer l’homme de la nature.

Ariane Mercier

Illustratrice botanique et membre de l’ASBA

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.