De la science à l’art : la représentation du végétal dans les collections du Musée du Vivant d’AgroParisTech #Art et botanique

Le Musée du Vivant (musée sur l’écologie et le développement durable) conserve depuis 2006 le patrimoine d’AgroParisTech, grande école d’ingénieurs en sciences du vivant et questions environnementales.

AgroParisTech est le fruit du regroupement de plusieurs institutions créées au XIXe siècle, notamment l’École royale forestière de Nancy (1824), l’Institution royale agronomique de Grignon (1826) et l’Institut National Agronomique de Paris (1848), l’école dispose, de ce fait, d’un patrimoine particulièrement riche.

Le Musée du Vivant conserve des collections variées et pluridisciplinaires autour de l’Histoire de l’écologie : des collections scientifiques aux anciens usages pédagogiques héritées des écoles ; des collections imprimées liées aux domaines de recherche de l’établissement ; des collections d’art contemporain données par des artistes sensibles aux enjeux écologiques et du développement durable. L’objectif du musée est de faire le lien entre les thématiques de recherche de l’établissement et le grand public.

La botanique faisait partie des enseignements privilégiés au XIXe siècle, comme l’étude de la biodiversité et des écosystèmes fait encore partie des enseignements actuels. Certains objets utiles à l’étude du vivant sont aujourd’hui devenus patrimoine, la qualité esthétique l’ayant souvent  emportée sur la valeur scientifique.

Les ouvrages anciens

L’établissement conserve un fonds ancien significatif hérité des écoles de Nancy, Grignon et Paris dont quelques saisies révolutionnaires. Ces ouvrages témoignent de moments clés de l’Histoire de l’écologie tels que l’observation, la classification et l’étude de la nature.

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Jean-Jacques Rousseau, Recueil de plantes coloriées pour servir à l’intelligence des lettres élémentaires sur la botanique, T.7, 1789 (gravure de Jean Aubry)

Le Recueil de plantes coloriées pour servir à l’intelligence des lettres élémentaires sur la botanique (1789) de Jean-Jacques Rousseau est un témoignage de l’intérêt grandissant des Hommes de lettres pour l’observation de la nature au XVIIIe siècle, un intérêt pour le vivant qui se développe après la vague des cabinets de curiosités qui sont en vogue dès le XVe siècle. Dans cet ouvrage, les gravures aquarellées de Jean Aubry sont d’une grande fraîcheur. On y retrouve une illustration sensible avec un trait d’une grande finesse. En parallèle, le travail de Pierre-Joseph Redouté qui illustre l’ouvrage d’Henri-Louis Duhamel du Monceau Traité des Arbres et des Arbustes que l’on cultive en pleine terre en France (1816) est remarquable par sa texture (notamment les écorces des fruits).

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Henri-Louis Duhamel du Monceau, Traité des Arbres et des Arbustes que l’on cultive en pleine terre en France, 1816 (gravure de Pierre-Joseph Redouté)

Après le temps de l’observation vient celui des classifications. Le Voyage en Amérique Méridionale d’Alcide d’Orbigny (1839) témoigne de ces explorations comme de la découverte de nouvelles espèces. Le vivant est alors répertorié, inventorié. C’est également au début du XIXe siècle que sont inaugurées les premières écoles liées à l’étude du vivant. De nouveaux supports pédagogiques apparaissent tels que les herbiers et les planches pédagogiques.

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Alcide d’Orbigny, Voyage en Amérique Méridionale, 1839

Les planches pédagogiques de botanique d’Arthur-Henri Boisgontier

Né en 1851 en Indre-et-Loire, Arthur-Henri Boisgontier est le fils d’un graveur sur cuivre qui l’initie à l’estampe. Il poursuit cet apprentissage à Paris dans plusieurs ateliers. Il rencontre régulièrement le peintre Camille Corot qui lui prodigue conseils artistiques et techniques puis devient proche de l‘École de Barbizon.

Tout en se consacrant à la peinture, Arthur-Henri Boisgontier a une activité d’illustrateur scientifique. C’est pourquoi il réalise en 1890 une série de cinquante-quatre planches pédagogiques de botanique à la demande de O. Van Thiegem, membre de l’Institut et directeur de la chaire de botanique et de pathologie végétale de l’Institut National Agronomique de Paris.

Le caractère pédagogique de ces planches explique leur grand format (en moyenne 2m35 par 1m20) adapté à l’enseignement en amphithéâtre et justifie leur contenu d’espèces végétales étudiées dans l’établissement.

C’est à travers l’harmonie des couleurs que l’on reconnaît le peintre de paysage qu’il est demeuré toute sa vie. Ces teintes sont restées intactes au fil du temps grâce à la parfaite conservation des planches enroulées dans la bibliothèque ancienne depuis la Première Guerre mondiale (date à laquelle elles n’ont plus été utilisées pour l’enseignement). Lors de leur restauration en 2007, il n’y eut aucune intervention sur les couleurs.

De par la qualité de son exécution, le travail de Boisgontier vient parfaitement faire le lien entre sciences et arts. Tout comme les ouvrages anciens ou certaines planches d’herbiers issus de nos fonds, la qualité esthétique, l’équilibre de la composition les a élevés au rang d’œuvre.

Art contemporain et usage du végétal

Le végétal dans les collections d’art contemporain du Musée du Vivant découle de cet attrait ou attachement de certains artistes envers ce rapport qui unit l’Homme à la nature. Le végétal peut être représenté comme employé en tant que support de création.

Christian Zeimert rend hommage aux peintres de paysage en figurant Claude Monet dans son jardin dans le Fantôme de Giverny (huile sur toile, 1992). Les nymphéas tant étudiés se sont effacés pour faire place à l’artiste. Monet semble avoir fusionné avec son environnement, apparaissant tel un élément naturel terreux ou rocheux dans la même palette de couleurs que le reste du paysage.

Cécile Basecq offre une vision très délicate, d’une parfaite harmonie avec la nature dans laquelle le végétal devenu immense vient entourer et protéger tel un cocon les protagonistes.

Marinette Cueco reprend les codes de l’herbier afin de composer ses œuvres. Elle a détourné le support scientifique pour le sublimer. Ses compositions sont minutieuses et d’une extrême fragilité ce qui ne les rend que plus touchantes. Elle fait par exemple usage de plantes communes (poireau, échalote) qu’elle associe en mosaïques végétales.

Adélaïde Corinus travaille la calebasse en Martinique. Elle laisse le végétal arriver à une certaine maturité (en fonction de la coloration qu’elle souhaite obtenir) avant de l’évider, le graver, le sculpter. Son travail est très lié à ses origines et à la recherche de son passé, entre migrations africaines et amérindiennes. Elle « creuse des sillons pour retrouver son Histoire et celle de ses contemporains, sillons de la mémoire mais aussi de l’objet, de la matière. » La botanique continue de faire le lien avec les Hommes et avec l’art.

Pour découvrir d’autres collections du Musée du Vivant d’AgroParisTech sur notre inventaire en ligne : https://poleimage.agroparistech.fr/musee/categories

Le site web du musée : http://www.museeduvivant.fr/home.php

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    Peinture, sculpture, architecture, musique, littérature, les herbes ont su se glisser dans tous les arts. Sources d’inspiration, elles ont donné lieu à des chefs-d'œuvre reconnus comme "Les Nymphéas" de Monet …

5 commentaires

  1. Cette série est un bonheur pour les yeux et le cerveau, merci.
    Du coup, on aimerait offrir un « beau livre » avec ce type de belles gravures botaniques, pour Noël. Vous nous feriez un article regroupant toutes les références de livres, à la fin ? Mon compagnon – botaniste en herbe – ahahah – grâce à tela-botanica – serait ravi…
    Merci d’avance,
    Eve.

    1. Et fournir en les regroupant tous les liens vers les articles web decette merveilleuse série ?
      Eve (la même)

  2. en parfait accord avec Eve, toutes les publications de Tela Botanica sont superbes et surtout toujours très documentées.
    A quand une publication sur le biomimétisme, c’est une approche de la biodiversité qui devrait passionner un grand nombre de botanistes amateur ou pro..
    D’avance , merci
    Yves Ledru

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