La représentation de la nature dans l’Art Nouveau #Art et Botanique
Inspiré du courant Arts and Craft porté par William Morris en Angleterre, l’Art Nouveau se développe en France à la fin du XIXe siècle. Ce mouvement artistique se caractérise notamment par ses multiples références à la nature. Arabesques de feuilles, entrelacs de tiges et fleurs flamboyantes sont au cœur de ce courant unique et passionnant.
Quels sont les enjeux de cet art total ? Quels sont les motifs végétaux privilégiés ? Lisez cet article pour en savoir davantage sur la représentation de la nature dans l’Art Nouveau.
Au cours du XIXe siècle, la révolution industrielle marque un tournant important dans notre mode de consommation. La production d’objets s’intensifie grâce à la fabrication en série, rendue possible par les machines. Les grands magasins proposent des objets et accessoires en grandes quantités. Par conséquent, les intérieurs tendent à se ressembler.
Afin de contrer ce phénomène, certains artistes se rassemblent autour d’un projet commun : celui de replacer l’artisanat au cœur de l’activité humaine. Ainsi, ils s’affranchissent de la traditionnelle frontière entre artisanat et art. Architecture, peinture, ébénisterie, ferronnerie d’art, art du vitrail, tous les savoirs-faire sont utilisés. Dans l’esprit de ces artistes, l’art et la beauté doivent entourer l’être humain pour embellir son quotidien et nourrir ses aspirations.
Rapidement, la nature devient la source d’inspiration privilégiée, en raison de plusieurs facteurs.
D’une part, le XIXe est le siècle par excellence de l’étude du vivant. Les scientifiques se passionnent pour tous les systèmes biologiques et naturels. Dans ce contexte, les planches de botanique se multiplient et inspirent les artistes.
D’autre part, les gens sont passionnés par l’Orient et ses représentations, ce qui contribue à l’émergence de deux courants : l’orientalisme et le japonisme. Ce dernier va connaître un grand succès auprès des artistes de l’Art Nouveau. En effet, le public s’émerveille devant les estampes japonaises, couvertes de végétaux exotiques et de paysages lointains.
En France, l’Art Nouveau se développe particulièrement à Nancy, où parcs publics et privés sont nombreux. Les horticulteurs et les botanistes rivalisent d’efforts et de créativité pour proposer des variétés exotiques ou hybrides. De plus, ces démonstrations végétales sont souvent situées à côté des artisans, comme c’est le cas des jardins de Victor Lemoine et des ateliers d’Émile Gallé, fondateur de l’École de Nancy. Ce dernier devient notamment secrétaire de la Société centrale d’horticulture créée en 1877.
Ainsi, la nature va inspirer les plus grands artistes de l’époque : l’architecte Louis Majorelle, le maître verrier Jacques Gruber, ou encore le décorateur et illustrateur Henri Bergé.
L’une des caractéristiques de l’Art Nouveau est l’observation de la flore dans son ensemble. Les inspirations sont diverses et concernent les plantes, les arbres, les lianes, les tiges, aussi bien que les fleurs.
Le ginkgo biloba
Le ginkgo biloba est également appelé l’arbre aux quarante écus. Originaire de Chine, il a ensuite été importé en Corée et au Japon, où il devient l’emblème de la ville de Tokyo. En automne, son feuillage se pare d’une couleur jaune doré, semblable à de l’or.
L’une des particularités du Ginkgo est d’être le seul survivant de la famille des ginkgoacées. Très résistant, il peut atteindre les 30 mètres de hauteur et vivre pendant des millénaires.
Symboles de prospérité, ses feuilles rappellent également la forme des éventails, accessoires très prisés au XIXe siècle.
L’ombelle
L’ombelle est un terme botanique qui désigne un type d’inflorescence particulier dans lequel tous les pédoncules floraux sont rattachés par un point unique à la tige. Il est intéressant de constater que la mot “ombelle” vient du latin umbella, qui veut dire parasol et qui a donné le mot “ombrelle”. Or, dans la culture asiatique, l’ombrelle est très importante et symbolise la souveraineté.
Les artistes de l’Art Nouveau ont réussi à percevoir la beauté des ombellifères et ont repris sa forme en parasol dans la création de différentes pièces de mobiliers : vitrine, chaises, tables.
L’iris
Les motifs floraux sont également mis à l’honneur dans l’Art Nouveau. Si l’orchidée, la rose ou le coquelicot sont régulièrement cités, l’iris possède une place de choix dans les œuvres de l’Art Nouveau.
Dans l’Antiquité, on prêtait à l’iris la capacité de conduire les âmes des morts vers les Enfers. On retrouve cette plante sur les monuments funéraires égyptiens, étrusques ou encore dans le monde gréco-romain.
Munie de pétales reconnaissables, sa fleur présente de belles nuances allant du violet au bleu. Cette variation de tons a inspiré de nombreux artistes, parmi lesquels Henri Matisse et Vincent Van Gogh. Pendant la période de l’Art Nouveau, cette fleur est souvent représentée par les maîtres-verrier, notamment Émile Gallé et la maison Daum.
La lunaire
Vous connaissez certainement la Lunaria annua par l’une de ses multiples appellations : lunaire, monnaie-du-pape, médailles de judas ou herbe aux écus.
Très connue pour ses fruits, semblables à des ronds blancs iridescents, la lunaire produit également de jolies petites fleurs fuchsia ou blanches.
L’architecte Louis Majorelle a choisi la lunaire comme thème principal lors de la conception de sa villa, visible à Nancy. C’est grâce à la ferronnerie d’art que l’artiste a pu imiter la lunaire. Elle court sur la façade, ainsi que dans l’escalier de la maison.
Le chardon
Les artistes de l’Art Nouveau ne se sont pas intéressés qu’à des plantes dites “nobles”, ils ont également puisé leur inspiration dans des végétaux considérés comme des “mauvaises herbes”.
C’est le cas du chardon, très présent aux abords de Nancy. Au XVe siècle, le duc de Lorraine adopte la devise : “Qui s’y frotte, s’y pique”, en référence à cette plante vivace. Résistant et tenace, le chardon symbolise la longévité et la persévérance.
Il est devenu populaire dans l’Art Nouveau grâce à la célèbre planche botanique réalisée à l’aquarelle par Henri Bergé.
Si vous souhaitez en savoir davantage sur les liens entre art et botanique dans l’Art Nouveau, voici trois ouvrages qui ont influencé l’apparition du mouvement :
- Entretiens sur l’Architecture, d’Eugène Viollet-le-Duc, 1863 ;
- Formes artistiques de la nature, d’Ernst Haeckel, 1834 ;
- La Plante et ses applications ornementales, sous la direction d’Eugène Grasset, 1896.
Grâce à cet article, vous percevez désormais l’importance de la nature dans les oeuvres de l’Art Nouveau. Si ce sujet vous intéresse, vous apprécierez certainement d’en apprendre plus sur le Musée du Vivant, qui conserve des fonds anciens de l’École de Nancy.
https://www.beauxarts.com/grand-format/lart-nouveau-en-3-minutes/
Quand la nature inspire les peintres, Histoires des plantes dans la peinture occidentale de l’Antiquité à nos jours, Hélène Mugnier, 2012.
9 commentaires
Merci, argument fascinant, très apréciable ! J’ai beaucoup aimé. Bonne journée
Très bonne idée, les fleurs ont-été une très bonne source d’inspiration pour l’art,
l’art nouveau en est le summum.
Une petite rectification (I presume !) le vase « aux iris », ce sont plutôt des violettes !
cordialement
michel
Bonjour,
Merci pour cet article, c’était instructif !
Arf, c’est un site de bota et on se trompe sur les plantes: les iris du vase sont des violettes, la lunaire est douteuse, et le chardon est un dipsacus. Sinon l’article est très intéressant.
Bonjour,
Pour compléter, celui qui enseigna la botanique à l’école des Beaux-arts de Nancy est Pierre-Emile Nicolas.
Vous trouverez une petite biographie ici : https://kfarnaom.blogspot.com/2021/08/pierre-emile-nicolas.html
Merci!
Merci d’avoir mis en valeur les plantes par l’Art Nouveau. Après cet article, une balade dans Nancy s’impose pour se laisser surprendre par les nombreuse traces de cette période dans la ville 🙂
Merci!
Très bel article, qui fait le pont entre deux disciplines différentes mais complémentaires. Cela donne envie d’aller plus loin dans l’une comme dans l’autre. On ne peut évidemment pas être un expert pointu en tout, vive les généralistes qui élargissent le contexte et stimulent les approfondissements personnels.