Le dessin botanique, une relation au vivant #Art et Botanique
En terme d’illustration botanique, la question qui se pose n’est-elle pas avant tout celle de “l’utilité” du dessin à l’ère de l’imagerie électronique et de l’accès facile à la photographie ? L’art contemporain ne nous a-t-il pas appris la remise en question continuelle de nos outils et cadres de perception comme méthode ? Par ailleurs, l’évolution des technologies de l’image n’a-t-elle pas rendu obsolète toute velléité à représenter le réel par le dessin ? Le dessin demeure pourtant, et la main, la nécessité profonde d’exprimer et de saisir le réel avec les outils les plus simples, les plus proches du corps – dont l’œil – et devant nous, parmi tous les « objets » du monde, les plantes. Les plantes – je devrais dire, le végétal – qui suscitent un regain d’intérêt pour des raisons évidentes d’urgence écologique.
C’est au croisement de ces nécessités (symbolisation du monde, prolongement du corps et observation de la vie) que se situe l’intérêt du dessin botanique ; on peut y ajouter la « recherche stylistique » ou présence du geste (d’une individualité) et de la matière même du dessin (pigments, tâches, griffures…). Alors oui, la nécessité du dessin botanique reste entière, en tant que manifestation des plus intimes de notre relation aux plantes et de l’émotion que ces représentations peuvent susciter (mais sur ce dernier point, on pourrait en dire autant de la photographie). Certes, la précision du dessin et sa dimension esthétique lui confère d’évidentes qualités pédagogiques, mais comment exprimer un rapport nouveau aux plantes et plus globalement, au monde qui nous contient et non pas seulement que nous observons, comme “de l’extérieur” ? Là encore, l’art contemporain peut nous ouvrir des voies “libératrices” vis-à-vis de la seule virtuosité (ou compétence technique), je souscris aux exemples cités par Elisabeth Vitou, auxquels j’ajouterais – parmi d’autres et pour en rester aux représentations picturales – les fleurs de Georgia O’Keeffe ou les forêts de Giuseppe Penone… En plus de la nécessité de représenter un appareil floral, les nervures des feuilles, les racines, comment faire ressentir un frémissement, un perpétuel mouvement ? On peut se souvenir que le fusain (pour dessiner) est un charbon de bois, qu’on a longtemps dessiné avec un roseau et que les premiers pigments tinctoriaux sont d’origine minérale et végétale ; ainsi quand je dessine une fleur, elle n’est pas juste mon modèle, mais elle contient déjà tout mon dessin et elle contient aussi tout mon souffle. Continuons à dessiner !
7 commentaires
Très jolie conclusion, merci.
Le dessin , l’aquarelle de plantes entières produisent, en effet, de l’émotion artistique.Témoins, vos belles aquarelles ci-dessus.Merci.
Mais le geste de dessiner une plante est fort intéressant: on devient , en quelque sorte, cette plante .quand on la dessine, on s’identifie à elle, on comprend peu à peu son fonctionnement.Ayant eu des élèves en grand retard scolaire qui avaient beaucoup de mal à identifier les différentes parties d’une plante, je leur demandais de dessiner ces plantes entières .C’était pour eux des moments d’intense concentration, de plaisir, et les résultats étaient surprenants, souvent très beaux , même si c’était malhabile.
En particulier, c’était le seul moyen pour qu’ils arrivent à faire la distinction entre une feuille simple et composée.
Je vous remercie de vos compliments.
je pense en effet que le dessin d’observation est un exercice de concentration qui peut être très intense et appliqué aux plantes, peut vraiment ouvrir un intérêt pour la nature. Et il n y a pas de “bon” ou de “mauvais” dessin, il n’y a qu’à dessiner.
Cordialement
Le dessin botanique est outil pédagogique irremplaçable! Avant de dessiner il faut observer de façon méthodique… Et on peut faire figurer sur un dessin les éléments caractéristiques de la plante, qui ne sont pas toujours disponible sur une photographie, en particulier le fruit et la fleur qui ne sont pas toujours visible en même temps. D’expérience, on mémorise beaucoup mieux une plante que l’on a dessiné que la simple lecture des caractéristiques décrites dans un texte.Pour bien apprendre la systématique, il faut dessiner même maladroitement.
Vous avez raison, mais je constate que quand on a une pratique du dessin, on a du mal à se restreindre à l’essentiel, cela retire parfois une certaine liberté. Ceci dit, la recherche esthétique a du sens également, même botanique, le dessin a ses codes culturels, qui lui sont propres.
Merci de votre commentaire.
Bonjour Gilles,
Magnifiques œuvres aux techniques diversifiées et belle réflexion également. Quel merveilleux outil qui aiguise l’œil du botaniste et aide à transmettre la passion de la flore !
Je vais essayer !
Pour m’être essayé à cet art, je suis admiratif (je n’en suis pas encore là…). En dehors de l’aspect esthétique, le dessin (et l’aquarelle) font ressentir » en toute simplicité » l’essentiel d’une plante.