Pourquoi le seringat s’appelle-t-il Philadelphus ?
Il y a quelques années, j’avais publié « Seringat et Syringa : une énigme ethnobotanique » sur Tela Botanica. Aujourd’hui, je vous entretiens du nom Philadelphus. Ce nom signifie « qui aime son frère », de φίλος – philos, « ami » ; et ἀδελφός – adelphos, « frère ». Linné (1751, Philosophia botanica, 171) fait référence à un roi d’Egypte. Il s’agit de Ptolémée II (309/08-246 avant J.-C.), dit Philadelphos, parce qu’il a épousé en secondes noces sa sœur Arsinoé II. Il l’a divinisée à sa mort. Ptolémée est donc « celui qui aime sa sœur », ἀδελφή – adelphê signifiant « sœur ». Mais c’est une fausse étymologie. Linné affectionnait les noms dédiés à des personnages de l’Antiquité.
En fait, un indice se trouve chez Caspar Bauhin, qui écrit « Syringa alba sive Philadelphus Athenæi « (Pinax, 1671, 398). Wittstein, auteur d’un dictionnaire étymologique en 1856, conjecture que « les rameaux de cette plante s’embrassent en quelque sorte fraternellement ».
Comme le signale Bauhin, on trouve le nom de plante φιλάδελφον – philadelphon chez les Deipnosophistes d’Athénée de Naucratis (IIIe siècle, 15, 29, 682c). Cet ouvrage très original, dont on traduit le titre par Le Banquet des sages, donne une compilation d’anecdotes et de citations d’auteurs antiques souvent perdus, portant sur l’univers culinaire, matériel et social du banquet (dixit Wikipédia). On y parle beaucoup de plantes, en particulier celles qui servaient à faire des couronnes, ce qui était une préoccupation importante chez les Grecs.
Je reproduis in extenso ce qu’en dit Athénée, qui est très informatif :
« Apollodore, dans le quatrième livre de son Histoire de la Parthie, parle d’une fleur nommée philadelphon, qui pousse dans le pays des Parthes, et la décrit ainsi : « Il y a de nombreuses sortes de myrte, le milax et celui qui est appelé philadelphon, qui a reçu un nom correspondant à son caractère naturel ; car quand les branches qui sont à distance l’une de l’autre, se rencontrent d’un commun accord, elles se joignent en un embrassement vigoureux, et deviennent unies comme si elles venaient de la même racine, et continuant à croître, elles produisent de nouvelles pousses. Ce pourquoi on en fait des haies dans les fermes bien tenues ; on prend les tiges les plus fines, on les plesse comme un filet et on les plante tout autour du jardin. Ces plantes ainsi plessées font une clôture difficile à traverser. » (Athénée, traduit en anglais par C. D. Yonge (1854)).
Quant à savoir s’il s’agit bien du seringat, ce n’est pas évident. La plante était inconnue de Théophraste et de Dioscoride. Elle viendrait de Turquie et du Caucase, et a été introduite en Europe de l’Ouest vers le XVIe siècle. Toujours est-il que Caspar Bauhin l’a identifiée ainsi, et que ce nom a été repris par Linné.
2 commentaires
Merci beaucoup de votre article! Votre enquête m’a bien éclairée et je partage votre hypothèse sur l’origine du nom botanique du seringat. Je regrette de n’avoir pas lu votre étude du seringat confondu avec le syringa par beaucoup de jardiniers.
Il suffit de taper syringa dans le champ de recherche… Voici le lien : https://www.tela-botanica.org/2015/01/article6692/