La Chine de Song et le riz du Champa

Dans l’histoire de l’agriculture chinoise, il est question à partir du XIe siècle d’une mystérieuse variété de riz, appelée « riz du Champa », dont la culture fut fortement encouragée par les empereurs des Song pour nourrir une population de plus en plus nombreuse et faire face aux calamités naturelles.
VietnamChampa1
Le Dai Viêt (jaune), le Champa (vert) et l’Empire khmer (mauve) vers 1100 (Image : Electionworld, GNU 1.2)

On désigne sous le nom de Champa un royaume hindouisé qui occupait ce qui correspond au centre et à une partie du sud du Vietnam actuel. Ce royaume exista du VIe au XVe siècle de l’ère commune. La très brillante civilisation des Chams, illustrée entre autres par les vestiges du site de Mỹ Sơn, dans le centre du Vietnam, au sud-ouest de Đà Nẵng, se construisit au contact des civilisations indienne et chinoise, avant de devenir musulmane.

Le Champa est souvent cité dans les annales historiques chinoises. Les Chams étaient un peuple tourné vers la mer, et leur royaume eut des échanges commerciaux nombreux avec les différents États de la région, notamment avec la Chine, dont il était tributaire. Les annales de la dynastie chinoise des Song (960-1279) font état de plusieurs ambassades envoyées par le royaume du Champa qui furent reçues à la cour de l’empereur de Chine.

Ces annales rapportent aussi que l’empereur avait fait planter au palais impérial, à titre d’essai, des semences de riz rapportées du Champa. Il avait pu constater que le cycle de la croissance de ce riz précoce, depuis la préparation des semences jusqu’à la récolte, était beaucoup plus court que le riz jusque-là cultivé en Chine : environ 100 jours contre 180 jours. (Les riziculteurs chinois, en sélectionnant les variétés, sont progressivement parvenus à réduire la durée de ce cycle à 60 jours.) Il avait également pu observer que ce riz venu d’Asie du Sud-Est était beaucoup plus rustique : il supportait mieux les aléas du climat, ne craignait pas trop le manque d’eau et se contentait de sols médiocres. Et comme il s’agissait d’un riz pluvial, il pouvait en outre être cultivé sur les coteaux et sur les plateaux.

riz pluvial_mondol kiri_akp
Culture du riz pluvial dans la province de Mondol Kiri, Cambodge (Photographie : AKP)

Le riz du Champa fut d’abord mis en culture dans la province du Fujian (sud de la Chine). En 1012, pendant le règne de l’empereur Zhenzong (992-1022), les zones de riziculture dans les vallées du Yangtsé et la rivière Huai, dans la province du Zhejiang, furent touchées par une grave sécheresse. Pour faire face à la catastrophe, l’empereur fit envoyer 30 000 boisseaux de semences de la province du Fujian à celle du Zhejiang et fit distribuer les semences aux habitants pour qu’ils les cultivent.

Les textes chinois expliquent que cette variété importée de riz constituait un énorme progrès, car elle permettait de faire deux récoltes par an ! L’accroissement considérable de la population chinoise à l’époque des Song a été en partie rendue possible par la disponibilité de riz en abondance.

Aujourd’hui, il est difficile d’identifier exactement la sous-espèce à laquelle appartient ce fameux « riz du Champa » (占城稻 zhānchéngdào). Des recherches génétiques semblent montrer que ce riz fait partie des variétés aus, dont les caractéristiques sont à mi-chemin entre le riz long, Oryza sativa subsp. indica (en chinois 籼米 xiānmǐ), originaire d’Inde (d’où il aurait été apporté au Champa ainsi qu’au Siam et dans l’empire khmer), et le riz rond Oryza sativa subsp. japonica (en chinois 粳米 jīngmǐ). Mais les descriptions de ce riz dans les textes chinois anciens sont trop imprécises pour permettre une identification certaine.

On ne connaît pas non plus avec certitude l’époque à laquelle ce riz « exotique » fut introduit pour la première fois en Chine. Et l’on n’est pas même sûr que ce riz vînt effectivement du Champa : il aurait pu venir du Cambodge et transiter par un port du Champa. En tout état de cause, il faisait déjà l’objet d’importantes cultures dès le XIe siècle.

Concernant ce riz du Champa, on pourra consulter l’article succinct, en anglais, que lui consacre Wikipedia (ici), ainsi qu’un article un peu plus documenté de Randolph Barker (Université Cornel), en anglais également, publié par The Rice Journal en 2012, disponible en ligne, ici.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.