Glanes étymologiques : baudremoine

Les bases de données donnent maintenant le beau nom de baudremoine comme nom français de Meum athamanticum Jacq. Coste l'appelait cistre et fenouil des Alpes. Seul Fournier donnait baudremoine, en précisant qu'il venait d'un latin baldemonia, qui n'est pas du latin classique. Qu'en est-il vraiment ?
Illustration_Meum_athamanticum
Meum athamanticum, Thomé, 1885 (Domaine public - Wikimedia Commons)

Grâce à David Mercier, j’ai pu mettre la main sur la Flore du Jura de Godet (1852), la Flore d’Alsace de Kirschleger (1852) et la Flore populaire des Vosges de Haillant (1885), qui mentionnent baudremoine toutes les trois. On remarquera que ces trois flores concernent le nord-est de la France et la Suisse. Une consultation de la Flore populaire d’Eugène Rolland donne brodemoine, gôdrèmèn’ dans les Vosges, mais pour une autre Ombellifère, Peucedanum oreoselinum (L.) Moench.

On retrouve baldmoney en anglais pour une gentiane au XIVe s., et Meum au XVIe s. (Grigson, 1974, Dictionary of English plant Names). Curieusement, il existe un ancien nom suédois du XVIe s., båldemåå, pour une valériane, mais l’inflorescence d’une valériane peut être assimilée à une ombelle. Hesselman lui a consacré un long article (en suédois), d’où il ressort que le nom signifie « jeune fille » par étymologie populaire.

Hesselman précise que le latin médiéval baldemonia vient de l’Alphita, glossaire médical et botanique anonyme compilé à l’école de médecine de Salerne au XIIe – XIIIe. Pour lui, ce serait une déformation du latin polemonia (Pline, 25, 64), qui est Polemonium caeruleum L. pour Tournefort. Ce nom vient du grec Πολεμώνιον – Polemônion (Dioscoride, 4.8).

On peut s’étonner des déformations du nom, mais comme l’école de Salerne reprenait l’héritage de la médecine arabe, on peut penser que le passage de p à b serait dû à l’influence arabe. En effet, le Polemônion de Dioscoride a été transcrit  بولامونيون – bōlamōnion en arabe (Ibn al-Baiṭār, XIIIe s.).

Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi le nom est restreint au nord-est de la France et à la Suisse. On ne le retrouve apparemment pas non plus en Espagne et en Italie.

En tout cas, c’est un nom qui paraît bien populaire, mais a une longue histoire savante.

Source : Hesselman, Bengt, 1927. Ett gammalt svenskt växtnamn, dess utländska släktingar och dess historia [Un ancien nom de plante suédois, ses origines étrangères et son histoire]. in Mélanges de philologie offerts à Johan Vesling par ses élèves et ses amis scandinaves à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de sa naissance. Paris, Champion : 211-227.

4 commentaires

    1. Il arrive souvent que des mots se ressemblent en partageant une partie, parce que l’un a influencé l’autre. Dans ces cas, on parle d’attraction paronymique. Mais pour aigremoine, ce n’est pas le cas. Le latin avait déjà argemonia, qui vient du grec ἀργεμώνη – argemônê.

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