Glanes étymologiques : L’arbre du voyageur

Mais pourquoi donc appelle-t-on cette espèce "arbre du voyageur" ?

Endémique de Madagascar, cultivée dans tous les tropiques comme ornementale et envahissante à Maurice, cette espèce spectaculaire qu’est Ravenala madagascariensis Sonn. (1782) est devenue l’emblème de Botanic Gardens Conservation International (BGCI) et de la compagnie aérienne Air Madagascar.

Grâce à Blanc et al. (2001) et Hladik et al. (2002), nous disposons maintenant d’une excellente synthèse sur le Ravenala, ou plutôt les Ravenala, car les auteurs ont trouvé que, loin d’être monotypique, le genre comportait six espèces.

L’étymologie du nom de genre est simple. Il vient du malgache ravinàla, « feuille des forêts », dérivé de ràvina, « feuille », et àla, « forêt » (d’après Beaujard). Par contre, l’origine du nom « arbre du voyageur » est plus curieuse. Ce nom a été introduit par Macé Descartes en 1846 (p. 245), qui parle du « ravinala connu des Européens et des créoles des îles de France et de Bourbon sous le nom d’arbre du voyageur, parce que l’on trouve entre les aisselles de ses feuilles de l’eau très-fraîche et très-bonne à boire. » En anglais, traveller’s tree date de 1858 (Ellis, p. 301).

Cette assertion a suscité la controverse, certains disant que cette eau contenait des larves et des micro-organismes. Mais Commerson lui-même, dans un manuscrit de 1770 reproduit par Blanc et al., la détaille bien : « Ces feuilles très propres par leur immense largeur à recueillir une grande quantité d’eaux de pluye la transmettent au moyen d’une gouttière qui en occupe le milieu jusqu’au pédicule de la même feuille, or le pédicule est fort épati et élargi et embrasse fort exactement la tige mais de manière pourtant qu’il en résulte une espèce de capsule assés ample ou l’eau est tenue en réservoir pour le besoin de la plante qui lui concilie un goût particulier qui n’est point sans mérite. Cette sorte de réservoir peut abondamment suffire à plusieurs voyageurs pour les désaltérer en les perçant dans la partie la plus déclive ».

Un peu plus tard, Rambosson (1868 : 62) reprend l’explication : « Il me conduisit successivement auprès des arbres les plus curieux, et surtout à l’arbre du voyageur, espèce de bananier dont toutes les feuilles s’emboîtent les unes dans les autres comme celles de l’iris, de manière à former à la hauteur de deux ou trois mètres un vaste éventail. L’eau qui tombe du ciel et la rosée principalement, s’accumulent à la base de ces feuilles comme dans une coupe naturelle, et s’y conservent très fraîches ; si on perce cette base avec une lame un peu effilée, le liquide s’écoule en un petit filet qu’il est facile de recevoir dans la bouche. » (à la Réunion).

Récemment, Blanc et al. (2001) confirment la potabilité de l’eau : « Nous-mêmes avons fait très facilement l’expérience sur place ».

La ravenala porte donc bien son nom.

Arbre du voyageur Ellis 1858
Arbre du voyageur, vu par Ellis 1858
Arbre du voyageur Rambosson 1868
Rambosson (1868). L'illustrateur n'a jamais vu la plante, dont les feuilles ont de longs pétioles.

Références

Blanc, Patrick ; Hladik, Annette & Hladik, Claude Marcel, 2001. L’arbre du voyageur dans toute sa diversité. Hommes & Plantes, 40: 38-47. <hal-00556257>

Descartes, Macé, 1846. Histoire et géographie de Madagascar depuis la découverte de l’île en 1506 jusqu’au récit des derniers événements de Tamatave. Paris, P. Bertrand. V-441 p.

Ellis, William, 1858. Three visits to Madagascar during the years 1853-1854-1856. London, John Murray.

Hladik, Claude Marcel, Blanc, Patrick & Hladik, Annette, 2002. L’arbre du voyageur. Des usages et de la diffusion horticole du ravenala. Hommes & Plantes, 41 : 18-27. <hal-00521247v1>

Rambosson, Jean, 1868. Histoire et légendes des plantes utiles et curieuses. Paris, Firmin Didot. 371 p.

5 commentaires

    1. Effectivement, comme dit Wikipédia, « l’éventail de feuilles a tendance à pousser à peu près sur un axe est-ouest, ce qui constitue une boussole rudimentaire ». Mais cette explication vient a posteriori. Ce n’est pas ce que dit Macé Descartes.

  1. Le Ravenala a donné lieu à un très beau roman du regretté Jacques Perry publié en 1976 et qui a obtenu le prix du Livre Inter la même année. « Le Ravenala où l’arbre du voyageur » en est le titre.Le seul livre que je relis tous les ans et que j’offre aussi régulièrement à des amateurs de la nature et des valeurs qu’elle nous inculque. Pour quelques euros sur Momox ou le Bon Coin l’investissement n’est pas considérable

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