Goyaves d’extrême-orient
Le goyavier (Psidium guajava) fait partie des espèces découvertes par les Européens lors de la conquête des Amériques. Il se présente sous la forme d’un arbuste ou d’un arbre qui peut atteindre une taille d’une dizaine de mètres de hauteur. Il est originaire d’Amérique tropicale et fut décrit dès la fin du XVe siècle par un compagnon de Christophe Colomb. Diffusé dans les autres régions du monde par les Portugais, il est aujourd’hui présent dans toutes les régions tropicales du monde.
Au Cambodge, le goyavier est connu sous le nom de « trâ-baèk » (ត្របែក). L’étymologie de ce nom est inconnue, mais il est utilisé dans de nombreux toponymes cambodgiens : ainsi, à Phnom Penh, existe un quartier appelé l’« étang aux goyaviers » (បឹងត្របែក beung trâ-baèk). Les noms de plusieurs communes et villages du pays font également référence au goyavier.
Chez les Khmers, la goyave est un fruit extrêmement populaire. Il est consommé généralement cru, accompagné d’un condiment composé de sel et de piment pilé. Parfois, on prépare aussi des goyaves en saumure ou au sirop ; dans les deux cas, les fruits sont consommés en quartiers, comme les goyaves fraîches, mais agrémentés d’un condiment composé de sel, de piment et de petites crevettes séchées. Les Cambodgiens, à l’inverse des habitants d’autres pays (Taiwan, Thaïlande, Chine continentale), ne connaissent pas la boisson théiforme préparée à partir des feuilles de goyaviers séchées, mais ils mâchent ces feuilles pour traiter les problèmes de constipation.
Depuis deux ou trois ans, au Cambodge, une variété appelée « goyave kimchu » (ត្របែកគីមជូ trâ-baèk kim-chu), importée de Thaïlande, jouit d’une grande popularité, en raison de l’absence de graines au centre du fruit. Cette variété est notamment cultivée dans la province de Kandal, non loin de Phnom Penh.
C’est à Taïwan que j’avais découvert la goyave en 1989. Ce fruit de la taille d’une pomme, à la chair blanche, croustillante et juteuse, est extrêmement populaire à Formose, où on le connaît localement sous le nom de « bala » (芭樂, prononcé [bālè] en mandarin). Plusieurs variétés sont cultivées à Formose, dont des variétés à chair rose ou rouge, appelées « goyave à cœur rouge » (紅心芭樂 hóngxīn bālè) ou encore « goyave rubis » (紅寶石芭樂 hóngbǎoshí bālè). Signalons encore une autre variété appelée « goyave lait » (牛奶芭樂 niúnǎi bālè) car, pour cultiver cette variété, les agriculteurs utilisent un engrais liquide à base de lait fermenté.
A Taiwan, le jus de goyave est très apprécié. On raconte que cette boisson fut inventée une année où la récolte des goyaves avait été particulièrement abondante, si bien que le marché était saturé, et l’on eut alors l’idée de fabriquer du jus de goyave, qui eut un succès tout à fait inattendu. Le jus de goyave taïwanais est d’une blancheur de lait, car le fruit est pelé avant d’être pressé, il est agréablement sucré. Mais le jus de goyave que l’on trouve généralement dans les autres pays est généralement de couleur vert clair.
En Thaïlande également, la goyave (appelée ฝรั่ง, farang – c’est le même mot que les Thaï utilisent pour désigner les Occidentaux) est un fruit que l’on trouve partout sur les marchés ou chez les vendeurs ambulants. Les Thaïs consomment la goyave débitée en quartiers, accompagnée d’un condiment à base de sucre, sel et piment pilé. On trouve également en Thaïlande un jus de goyave rose, très parfumé et assez sucré.
La goyave est également connue en Chine continentale, où elle est appelée « grenade étrangère » (番石榴 fānshíliú), car elle a une taille proche de celle de la grenade (Punica granatum) et a été importée en Chine. La présence de nombreuses graines dans la goyave fait également penser à la grenade. Dans ce pays, le fruit est moins populaire. Des goyaviers sont cependant cultivés dans toutes les provinces bénéficiant d’un climat subtropical : Yunnan, sud du Sichuan, Guangdong, Guangxi. La médecine chinoise traditionnelle attribue à la goyave diverses vertus : le jeune fruit séché aide à lutter contre la dysenterie, le fruit mûr a une action bénéfique sur la rate, les feuilles sont détoxifiantes, les feuilles fraîches ont des vertus hémostatiques. Notons encore l’existence à Taïwan d’une infusion médicinale préparée à partir de feuilles pilées et de tranches de jeunes fruits séchées.
5 commentaires
Un article richement documenté et très instructif, comme sait si bien les écrire Pascal MEDEVILLE. C’est toujours un énorme plaisir de le lire. Merci à lui et à toutes les équipes de Tela Botanica!
Ça me désole de voir chaque goyave enveloppée de plastique, rien à voir avec les goyaves de mon enfance, chez mes grands parents, à Cuba. Ici en France je n’en achète jamais !