La 6e crise d’extinction des espèces est en marche !
AFP, le 20 01 05
La planète traverse aujourd’hui la sixième grande crise d’extinction des espèces depuis le début de la vie sur terre il y a 3,8 milliards d’année, selon les spécialistes de la biodiversité. A la différence des cinq crises précédentes qui se sont étalées sur des milliers, voire des millions d’années, la crise actuelle « se compte en dizaines d’années ou en siècles, mettant la capacité d’adaptation des espèces à rude épreuve », selon Robert Barbault, directeur du département écologie au Muséum d’histoire naturelle. La dernière crise a vu disparaître les dinosaures, il y a 65 millions d’années. « La différence, c’est que cette fois nous sommes impliqués et responsables, et que nous avons les moyens d’agir, ce qui n’était pas le cas des dinosaures! » lance Robert Barbault. C’est le succès formidable de l’espèce humaine, qui a défriché les forêts, cultivé l’espace, industrialisé la planète, qui a causé le déclin de milliers d’autres espèces.
Au total 15.589 espèces sont confrontées à un risque d’extinction, selon la « liste rouge » de l’Union mondiale pour la nature (UICN): un mammifère sur quatre, un oiseau sur huit, un amphibien sur trois. Premiers menacés: les grands mammifères qui disputent le territoire à l’homme. Chez nous, l’ours, ou le loup, ont vu leur population réduite à quelques individus.
En Asie, en Afrique, l’éléphant et les grands singes ne cessent de régresser. Qui se souvient qu’il y avait des éléphants dans l’immense forêt chinoise il y a 2000 ans? Son sort semble scellé en Asie, où il reste 20.000 éléphants sauvages (sur 50.000). Le redressement opéré dans un petit nombre de pays d’Afrique australe ne peut masquer le déclin à l’échelle du continent: trois millions d’éléphants au début du 20e siècle, un million à la fin de la seconde guerre mondiale, 400.000 aujourd’hui. Partout, l’homme grignote la forêt, défriche, repousse les grands mammifères sur des territoires de plus en plus exigus, où ils ne peuvent plus migrer et se croiser. Or, « la seule façon de résister au changement, c’est d’être diversifié », rappelle M. Barbault. L’éléphant de forêt, particulièrement menacé, recèle une plus grande diversité génétique que son frère des savanes. Pourtant, « vous ne verrez jamais de reportages sur l’éléphant de forêt », déplore le biologiste Régis Debruyne. « Au rythme actuel d’extinction des populations en Afrique centrale, je m’effraie de voir disparaître l’éléphant de son milieu naturel », estime-t-il. « On aura de petites populations reliques, que pourront venir admirer les touristes en safari, mais on n’aura plus de populations naturelles capable de migrer et de se croiser entre elles », regrette-t-il. « On peut dire que c’est triste que l’éléphant disparaisse, avoir un attachement affectif, mais on peut aussi dire que l’éléphant est un animal qui gère un territoire où vit tout un ensemble d’espèces », souligne Robert Barbault. Gros mangeur de fruits, l’éléphant sème dans ses déjections des graines qui aident la forêt à se régénérer. Il crée des clairières propices aux grands félins, lions, léopards, panthères. Sa disparition « aura des répercussions sur toute la forêt, du plus minuscule insecte aux grands mammifères », met en garde M. Debruyne.
Que peut faire une conférence? « Convaincre un certain nombre de politiques qu’ils ont un intérêt à protéger leur biodiversité, que ce soit un intérêt éco-touristique, ou purement politique à l’égard de pays auprès desquels ils sont endettés par exemple, et qui réclament d’eux une meilleure gestion de leur faune et leur flore », selon M. Debruyne.
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La nature en danger: faits et chiffres
AFP, le 21 01 05
L’homme modifie la nature à un rythme tel que les espèces risquent de ne plus parvenir à s’adapter, avec à la clé une crise d’extinction majeure, estiment les scientifiques. Quelques chiffres: – Un mammifère sur quatre, un oiseau sur huit, un amphibien sur trois et près de la moitié des tortues d’eau douce sont menacés, selon la « Liste rouge » de l’Union mondiale pour la nature (UICN). – Au moins 15.589 espèces sont confrontées à un risque d’extinction, selon la liste rouge 2004, soit 7.266 espèces animales et 8.323 espèces de végétaux et lichens. – Le rythme de disparition des espèces est 100 à 1.000 fois plus important que le rythme naturel (c’est à dire le taux mesuré au cours des temps géologiques et dû au renouvellement normal des écosystèmes). – Au total, depuis 1500, 784 espèces animales et végétales sont considérées éteintes, et 60 supplémentaires ne survivent qu’en captivité ou en culture. – A côté d’espèces emblématiques, comme le dodo (une sorte de gros pigeon incapable de voler), disparu après l’arrivée des premiers colons dans les îles de l’océan indien vers 1740, le grand pingouin dans l’hémisphère nord, la tortue éléphant des Galapagos ou encore le loup de Tasmanie, des milliers d’espèces inconnues disparaissent chaque année. – L’homme n’a décrit que 1,75 million d’espèces sur un total estimé entre 10 et 30 millions. – Pour chaque plante tropicale qui disparaît, on estime qu’environ 30 espèces associées disparaissent. Pour chaque arbre tropical, ce sont 400 espèces qui disparaissent. – Un réchauffement climatique moyen pourrait entraîner la disparition de 15 à 37% des espèces, selon une modélisation conduite sur un millier de végétaux et animaux dans 6 régions particulièrement riches en biodiversité du globe (Thomas, Nature du 8 janvier 2004). – Les trois quarts de la population mondiale se soignent grâce aux plantes, et 70% de nos médicaments sont dérivés de plantes (Nicole Moreau, CNRS) – Les systématiciens découvrent chaque année plus de 10.000 nouvelles espèces, pour la plupart des insectes, et avant tout des coléoptères qui représentent presque le quart des espèces décrites.
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Alerte sur le vivant: conférence sur la biodiversité lundi à Paris
AFP, le 21 01 05
Du 24 au 28 janvier, une conférence internationale sur la biodiversité planchera sur la crise d’extinction la plus rapide qu’ait connue la planète. 1.200 chercheurs, responsables politiques d’une trentaine de pays et écologistes sont attendus à l’Unesco pour cette conférence proposée par le président français Jacques Chirac lors du sommet d’Evian des 8 pays industrialisés en juin 2003. La biodiversité désigne la variété des espèces et des milieux naturels dans lesquels elles évoluent. Le succès de l’homme sur terre s’est traduit par une altération accélérée de la nature: disparition des forêts, cultures intensives, exploitation des océans, réchauffement du climat. « Certaines espèces vont s’adapter très vite, celles qui profitent de nous et qui nous exploitent, les maladies et autres cochonneries, et d’autres qui sont en concurrence avec nous comme les grands mammifères sont en première ligne pour une extinction programmée », explique Robert Barbault, directeur du département Ecologie du Muséum d’histoire naturelle de Paris.
Le rythme d’extinction actuel est 100 à 1.000 fois supérieur au rythme naturel. Au bout de la chaîne: l’homme. « 70% de nos médicaments proviennent directement ou sont inspirés par des plantes », rappelle Nicole Moreau, professeur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Nous connaissons à peine 10% des espèces, ce qui signifie que des milliers de plantes et d’animaux disparaissent chaque année avant même d’avoir été décrits. « Ce n’est pas une histoire de grosses bêtes et de petites plantes, c’est une histoire de qualité de vie et de qualité de développement », plaide Robert Barbault. Face à cette hécatombe, « la communauté scientifique est fragmentée et n’a pas les moyens de mener les recherches », estime Michel Loreau, président du conseil scientifique de la conférence. Contrairement au climat, très médiatisé par les travaux du groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC ou IPCC en anglais), la biodiversité n’a aucun groupe d’experts mondial pour alerter les chefs d’Etat.
La Convention sur la biodiversité, signée en 1992, « n’impose pas de cadre contraignant, on n’avance pas », déplore Sébastien Moncorps, directeur de l’Union mondiale pour la nature (UICN) pour la France. Les chefs d’état se sont engagés en 2002 à Johannesburg à réduire la perte de biodiversité d’ici 2010. « C’est irréaliste », juge Michel Loreau. « Ce sera déjà bien si mettons en place d’ici là les systèmes de mesures standardisées dont nous avons besoin pour agir », relève-t-il. La conférence de Paris, organisée en dehors du cadre officiel de négociation des Nations Unies, ne peut rien adopter formellement. Elle pourrait appeler à la constitution d’un groupe d’experts mondial de la biodiversité, sur le modèle de celui du climat. Côté français, les scientifiques manquent de moyens. Moins de 5.000 scientifiques étudient la biodiversité, un nombre ridicule par rapport à la communauté scientifique française (100.000 personnes) et aux enjeux. La France, « qui est extraordinairement bonne pour donner des leçons aux autres », n’a toujours pas de parc national en Guyane, ni de réserve pour ses coraux en Nouvelle Calédonie, observe l’écologiste Nicolas Hulot.
1 commentaire
Le Président de la république dans son discours fait état, à juste titre, de l’érosion de la biodiversité à la surface de la planète et en particulier dans des endroits que je ne connais qu’à travers les livres et les reportages ou les brochures des voyagistes. Plus près de chez moi, dans ma modeste banlieue de Toulouse j’avais recensé 5 espèces d’orchidées en 2000. Sous la pression immobilière il en reste aujourd’hui 3 dont une en situation précaire. J’ai engagé via le PLU et les enquêtes publiques une tentative de sensibilisation auprès des élus. Ce fut un fiasco, car l’équipe municipale doit non seulement résister à l’appel des sirènes des devises économiques mais confond également les notions d’espaces verts, d’espaces de loisirs et de milieux naturels. Nos responsables politiques et nos aménageurs font des amalgames de tous ces concepts qui desservent des objectifs complémentaires mais très différents. Nos divers requêtes pour sauvegarder les derniers espaces non conquis ou restaurer ceux qui avaient été dégradés ont reçu des fins de non recevoir. L’équipe municipale qui, il est vrai, oeuvre avec attention pour le recyclage des déchets, le développement des pistes cyclables ou celui des pelouses publiques estime faire le maximum pour l’environnement et ne comprend pas notre démarche !
La lutte pour la la préservation de la biodiversité passe par l’introduction de cette problématique au même titre que celles de l’eau, des déchets, de l’air… dans la réflexion générale d’un Plan Local d’Urbanisme. Le volet milieu naturel est en général réduit à sa portion congrue et ne fait l’objet d’aucune investigation de terrain (sinon bibliographique)lorsque la commune ne se situe pas dans un site remarquable. A quand l’obligation d’un poste d’ingénieur écologue dans les équipes techniques de nos villes et de nos administrations (DDA, DDE, …)?