Quelques fleurs comestibles de la gastronomie cambodgienne
Lorsque l’on s’intéresse un peu à la gastronomie khmère, on ne manque pas d’être frappé par l’incroyable diversité des végétaux consommés. En plus des fruits et légumes importés au Cambodge de France ou d’autres pays (piment, poivre, tomate, pomme de terre, courgette, avocat…), le pays khmer offre à ses habitants une multitude de fruits et légumes plutôt « exotiques » et souvent inconnus des Occidentaux. Parmi ces végétaux qui sont livrés à la convoitise des gastronomes avertis, plusieurs espèces de fleurs, que nous passons succinctement en revue ci-dessous. (Remarque : La transcription phonétique des noms khmers proposée ici n’est qu’approximative.)
Le cassia du Siam, ou bois perdrix (Senna siamea, syn. Cassia siamea), est une espèce originaire d’Asie du Sud-Est, largement diffusée en Afrique. Dans son aire d’origine, l’arbre, qui pousse naturellement dans les forêts claires, est planté autour des habitations pour servir d’arbre d’ombrage. Son bois est également recherché : il est utilisé comme bois de construction et d’ébénisterie. Les jeunes feuilles, les fruits et les jeunes fleurs peuvent être consommés. Les feuilles entrent par exemple dans la composition d’une soupe épaisse, riche en légumes, fameuse au Cambodge, appelée « sâm-lâ kâ-kô » (សម្លកកូរ). Les fleurs peuvent quant à elles être utilisées dans des currys. La consommation de cette fleur n’est cependant pas très courante.
Il existe au Cambodge de nombreuses variétés de bananiers. Les fruits sont bien entendu consommés ; est particulièrement appréciée la variété dite « œuf de poule » (ចេកពងមាន់ [chék pông-moan]), qui produit de petites bananes longues d’une dizaine de centimètres, à la peau très fine, qui sont agréablement sucrées. Les feuilles de bananier sont souvent utilisées pour emballer des aliments, et le cœur, de couleur blanche et très croquant, est parfois consommé en salade.
L’inflorescence de bananier est utilisée dans de nombreux mets. Découpée en morceaux assez larges, les spathes se rencontrent fréquemment dans des soupes de volaille ; les spathes et les fleurs mâles et femelles entrent également dans la composition de diverses soupes de poisson. Mais le mets le plus connu des néophytes est sans aucun doute la « salade de fleur de bananier » (ញាំត្រយូងចេក [nhoam trâ-yông chék]), dans laquelle on n’utilise que les spathes, débités en fins filaments dans le sens de la largeur.
Le potiron (Cucurbita maxima), originaire d’Amérique tropicale, est bien connu au Cambodge. La chair de son fruit est consommée dans des plats sucrés, ou encore dans des currys. Avec des potirons de petite taille, débarrassés de leurs graines, on prépare un flan cuit à la vapeur très apprécié. Les graines, grillées, font office de friandises. Les fleurs sont consommées de multiples façons : elles peuvent entrer dans la composition d’une soupe avec du porc haché ; farcies de porc, elles sont frites ; elles sont aussi parfois sautées à la poêle, agrémentées de sauce d’huître ou de porc haché.
Le tamarinier (Tamarindus indica), d’origine indienne ou africaine, est une espèce de prime importance pour la cuisine cambodgienne. La pulpe de son fruit frais entre dans la composition de nombreuses préparations culinaires auxquelles elle apporte de l’acidité. Il existe également une variété sucrée, plus rare, dont les fruits confits sont fort appréciés. Les jeunes feuilles sont aussi utilisées dans des soupes. À ces jeunes feuilles, il arrive parfois que l’on adjoigne les fleurs, de couleur jaune pâle ou rosâtres, qui se présentent sous la forme d’inflorescences en grappes terminales.
La jacinthe d’eau, ou camalote (Eichhornia crassipes), est une herbe qui peut atteindre une hauteur d’une cinquantaine de centimètres. Elle est originaire d’Amérique du Sud et a été implantée comme ornementale dans de nombreux pays. Au Cambodge, sa fleur est consommée crue, comme de nombreux autres légumes réunis sous le terme générique « d’ân-luk » (អន្លក់), en accompagnement de diverses sauces trempettes ou de plats de vermicelles de riz frais sur lesquels on verse différentes soupes épaisses et currys.
Le fagotier, ou colibri végétal, ou encore agati à grandes fleurs (Sesbania grandiflora), est probablement originaire d’Asie du Sud ou du Sud-Est. Ses fleurs sont utilisées en pays khmer en guise de légumes. Avant de les consommer, il faut les débarrasser de leur pistil et de leurs étamines qui leur confèrent un goût amer. Ces fleurs sont, comme l’espèce précédente, consommées crues comme « ân-luk », et peuvent aussi être préparées en beignets.
La sesbanie de Java, ou sesbanie des marais (Sesbania javanica), est un arbuste haut de 2 à 4 mètres, commun dans les lieux marécageux d’Asie orientale. On rencontre fréquemment ses fleurs sur les marchés cambodgiens. Comme les deux espèces précédentes, elles servent « d’ân-lûk » et on peut aussi les consommer en beignets. Elles peuvent encore être conservées dans du vinaigre. Après avoir été blanchies à l’eau bouillante de façon à leur enlever leur goût amer, on y adjoint des œufs battus pour confectionner une omelette assaisonnée au « fumet de poisson » (ទឹកត្រី [teuk-trey], plus connu en Occident sous son nom vietnamien : nước mắm). En temps de disette, les jeunes feuilles peuvent également être intégrées à la diète des Khmers, mais en temps ordinaire, elles servent de fourrage au bétail.
Le jasmin du Tonkin (Telosma cordata) est une liane qui serait originaire de Chine ou d’Asie du Sud-Est. Ses petites fleurs dégagent un parfum puissant. En Chine, il est appelé « qui prodigue son parfum la nuit » (夜来香 [yèláixiāng]), car c’est surtout la nuit que les effluves de ces fleurs sont perceptibles. Le nom chinois a été partiellement transcrit en khmer sous la forme de « lai-hieng » (ឡៃហៀង), autre nom cambodgien sous lequel cette espèce est connue. Du jasmin du Tonkin, on consomme les jeunes feuilles et les fleurs. Les fleurs seules peuvent être utilisées dans des soupes, ou sautées avec du porc ou de l’ail.
Pour qui s’intéresse à la flore et à l’ethnobotanique du Cambodge, deux ouvrages sont à recommander :
- Pauline Dy Phon, Dictionnaire des plantes utilisées au Cambodge, Phnom Penh, janvier 2000 (probablement épuisé, pas de numéro ISBN)
- Mathieu Leti, et al., Flore photographique du Cambodge, Éditions Privat, 2013, ISBN : 9782708959194
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1 commentaire
La fleur du Casse de Java est – elle comestible?
Merci