Romduol, l’emblème floral du Royaume du Cambodge

Voyage ethnobotanique : à la découverte de l’emblème floral du Royaume du Cambodge.

Par décret royal pris le 21 mars 2005, Sa Majesté Norodom Sihamoni, Roi du Cambodge, désignait les espèces animales et végétales sélectionnées pour faire office d’emblèmes du Royaume. Parmi les espèces végétales, l’arbre emblématique choisi était bien entendu le palmier à sucre (ត្នោត [tnaot]), Borassus flabellifer), tandis que le fruit élu était une variété savoureuse de bananes locales, la banane dite « œuf de poule » (ចេកពងមាន់ [chék pong-moan]). Pour ce qui est de la fleur, le choix s’est porté sur une espèce très populaire dans le royaume, présente aussi dans les pays voisins, la fleur « romduol » (ផ្ការំដួល [phka rom-duol]). C’est à cette fleur que nous nous intéressons dans le présent article.

Le tronc penché sur cette photo est celui d’un spécimen de Sphaerocoryne affinis (la photo a été prise à proximité du site de Kbal Spean, dans le parc archéologique d’Angkor) – par Pascal Médeville
Le tronc penché sur cette photo est celui d’un spécimen de Sphaerocoryne affinis (la photo a été prise à proximité du site de Kbal Spean, dans le parc archéologique d’Angkor) – par Pascal Médeville

Le décret royal précisait que le nom binomial de l’espèce était Mitrella mesnyi, et c’est le plus souvent ce nom qui est cité au Cambodge pour désigner l’arbre qui porte la fleur. Il semblerait cependant que le nom scientifique communément utilisé par les botanistes soit plutôt Sphaerocoryne affinis, synonyme Popowia aberrans.

L’arbre qui porte la fleur peut atteindre une hauteur de 8 à 12 mètres, son tronc a un diamètre de 20 à 30 cm. Cultivé, cet arbre a des dimensions plus modestes et ses fleurs sont plus petites. Les Cambodgiens estiment que l’arbre à l’état sauvage et la variété cultivée sont des espèces différentes, et donnent à cette dernière variété le nom de « krâ-van » (ក្រវាន់).

 

 

 

Fleur romduol – par Pascal Médeville
Fleur romduol – par Pascal Médeville

La fleur est de couleur jaune clair. Elle se reconnaît à ses trois pétales triangulaires et à son bouton divisé en trois. Elle est très réputée pour son parfum enivrant, qui évoque une odeur de résine, qui porte au loin et qui se dégage surtout le soir. La fleur entrait d’ailleurs, en raison de son parfum puissant et caractéristique, dans la composition d’un baume à base de cire d’abeille, appelé « cire de romduol » (ក្រមួនរំដួល [krâ-muon rom-duol]), que les femmes cambodgiennes appliquaient sur leurs lèvres gercées. Ce baume à lèvres n’est plus en vogue aujourd’hui, mais les fleurs sont aujourd’hui encore utilisées pour confectionner de petits bracelets décoratifs et odoriférants, ainsi que de petites compositions que l’on met chez soi pour profiter du parfum de la fleur.

Bracelets déliés de fleurs romduol, en vente sur le petit marché aux fleurs près du sanctuaire de Preah Ang Chek, à Siemreap – par Pascal Médeville
Bracelets déliés de fleurs romduol, en vente sur le petit marché aux fleurs près du sanctuaire de Preah Ang Chek, à Siemreap – par Pascal Médeville

Le bois de l’arbre est encore utilisé comme bois de chauffage et ses fruits, comestibles, font l’objet d’une consommation anecdotique. Enfin, différentes parties de l’espèce (écorce, racines, fleurs entières, anthères) sont utilisées dans la pharmacopée khmère traditionnelle pour confectionner des médicaments servant à traiter la fièvre, les vertiges…

La fleur romduol est connue et appréciée depuis fort longtemps. En témoignent des décors sculptés qui reproduisent cette fleur, que l’on trouve sur les colonnes ou les murs d’anciens temples, comme sur la photo ci-dessous, qui reproduit la base d’une colonne du fameux temple de Banteay Srei, ornée d’une rangée de boutons de fleur romduol. Des figures féminines (improprement qualifiées d’apsara) qui ont été sculptées sur les murs de temples tels que le fameux Angkor Vat, ont parfois leurs chevelures ornées de fleurs romduol. Il n’est pas rare aujourd’hui encore que les jeunes femmes cambodgiennes ornent leurs cheveux de cette fleur.

Rangée de boutons de fleur romduol ornant la base d’une colonne dans le temple de Banteay Srei, à Siemreap – par Léo Médeville
Rangée de boutons de fleur romduol ornant la base d’une colonne dans le temple de Banteay Srei, à Siemreap – par Léo Médeville

Le nom de la fleur est également utilisé dans divers toponymes, comme le district de Romduol (ស្រុករំដួល [srok rom-duol]) dans la province de Svay Rieng, la commune de Ou Rumduol (អូររំដួល [ô rom-duol]) dans la province de Battambang, ou encore dans les noms de nombreux villages du pays.

Les poètes khmers ont quant à eux souvent comparé les jeunes et belles Cambodgiennes à des fleurs romduol. Citons par exemple deux chansons interprétées par le plus populaire des chanteurs khmers des années 1960-1970, Sin Sisamout, qui a célébré la Romduol de Surin (រំដួលសុរិន្ទ), ou encore la Romduol de la rivière Sangkae (រំដួលដងស្ទឹងសង្កែ).

Notons enfin, pour l’anecdote, que le petit gâteau khmer appelé « gâteau fleur de romduol » (នំផ្ការំដួល [nom phka rom-duol]) n’a de commun avec la fleur nationale du Cambodge que sa forme, aucun élément de la fleur n’entre dans sa composition.

La chanson Romduol de la rivière Sangkae, interprétée par Sin Sisamout.

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