Trois graminées qui s’étendent, résultats des aventures de Vigie-floristes !
Les plantes n’ont pas totalement le même attrait que les oiseaux, par exemple. Plus difficile à reconnaître, considérées comme statiques, elles font « partie des meubles ». Et si, au lieu de voir une touffe ou un tapis vert pour les pelouses, on se disait « voilà un organisme vivant qui est extraordinaire » ?
2 244 espèces de plantes vasculaires sur 6 000 en France métropolitaine
Pour ce qui concerne l’observatoire Vigie-flore, 238 personnes semblent être des convaincus. En six ans, ces aventuriers botanistes (ici un précédent post) qui arpentent chemins et prairies pour une grande œuvre commune ont en effet effectué 6 495 relevés de plantes. C’est tout de même 2 244 espèces, appartenant à 189 familles différentes, qui ont été observées, soit un tiers de la flore de France.
Trois graminées qui s’étendent
Et leurs aventures commencent à payer ! En effet, à l’automne 2014, je vous expliquais que dans la région Île-de-France où le plus grand nombre de suivis a été réalisé, nos vigie-floristes observent que les communautés de plantes ont changé (ici le post où je l’explique). Gabrielle Martin m’a notamment rapporté que trois graminées semblent en train de s’étendre dans cette région de France : le Fromental (Arrhenatherum elatius), la Flouve odorante (Anthoxanthum odoratum) et le Jouet du vent (Apera spica-venti).
© Romane Amice | MNHN
Le fromental
J’ai voulu en savoir plus sur ces espèces ordinaires, mais avec des noms si poétiques. Je me suis d’abord intéressée au fromental dont l’abondance a augmenté de 87 % en six ans en Île-de-France. Et j’ai découvert que cette graminée a fait l’objet d’études scientifiques, notamment en génétique. En effet, le fromental possède la particularité de pousser sous deux formes : l’une est dite diploïde où les plantes comptent deux jeux de chromosomes et l’autre, tétraploïde, en compte le double.
Des conquérantes dans les prairies
Les études (ici et là) montrent que c’est justement cette dernière forme qui est la plus répandue. Plus grande, elle produit aussi des graines en plus grand nombre. En bref, c’est une conquérante dans les prairies. Tout cela me direz-vous n’explique pas sa rapide colonisation depuis 2009… En effet, l’hypothèse de nos chercheuses, Nathalie Machon et Emmanuelle Porcher du CESCO, serait que le fromental trouve refuge sur les talus le long des routes. Mais cela reste à prouver…. Devinette : quel jour portait le nom de fromental dans le calendrier révolutionnaire français ? Indice : c’est au printemps.
La flouve odorante
C’est lorsque je me suis intéressée à la flouve odorante, reconnaissable à son odeur de caramel, que je suis tombée sur un article scientifique étonnant. Ce qui me fait dire que le jouet du vent devra attendre son tour pour un prochain post.
1856-2016
En 2016, une expérience scientifique unique au monde fêtera ses 160 ans. Cette première expérience en écologie se nomme la Park Grass Experiment (PGE) et elle est localisée à Harpenden au Royaume-Uni. Elle a débuté en 1856. Une prairie sur un sol pauvre et légèrement acide d’environ 2,8 hectares a été divisée en 20 parcelles. Ces 20 parcelles ont subi chaque année depuis sa création des « traitements » différents : ajout d’azote, de phosphore et de potassium notamment.
Les unes à côté des autres et pourtant très différentes
Et bien grâce à cette expérience unique au monde, des chercheurs ont pu montrer que la flouve odorante, pourtant pérenne, a évolué différemment dans les parcelles pourtant situées les unes à côté des autres. Or on aurait pu penser que comme c’est une graminée pollinisée par le vent et qui est incapable d’utiliser son propre pollen pour faire « des petits », les plantes se seraient reproduites entre parcelles bloquant ainsi toute forme d’adaptation. Mais non. Au cours des 160 ans, les flouves odorantes se sont localement adaptées à « leur » parcelle. Celle avec leur traitement.
Ce qui fait dire aux chercheurs que si les conditions environnementales changent même à des endroits très proches, comme c’est le cas dans les régions agricoles, les populations de plantes peuvent devenir très différentes génétiquement. L’article scientifique est là pour ceux que cela intéresse.
Et voilà que c’est la fin du post et que je n’ai pas dit que lors de la foire aux mailles 2014 de Vigie-flore, 40 % des anciennes mailles ont trouvé preneurs ! Et que 2014 a vu le record absolu de mailles suivies par des botanistes : 238 ! Pour 2015, c’est par ici que cela se passe.
[…]
Réponse à la devinette:
Le fromental était un jour de prairial, le 26 mai exactement, dans le calendrier révolutionnaire français.
> Extrait de l’article de blog de Vigie-Nature La botanique, c’est fantastique, par Lisa Garnier, 20/04/2015 Lire l’article .
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Ces résultats sont issus d’analyses récentes des données Vigie-flore. Ils ont été présentés au colloque ECOVEG Ecologie des Communautés Végétales de Grenoble le 25 mars 2015. Le diaporama est disponible ici.
A bientôt,
l’équipe Vigie-flore
2 commentaires
Cette augmentation de fréquence de ces espèces de graminées dans les relevés n’est-elle pas aussi explicable par une meilleure connaissance des botanistes avec le temps ? Au stade végétatif, rien ne ressemble plus à une graminée, qu’une autre graminée ! Le biais de l’observation doit être pris en compte.
le type de milieu où sont effectués les relevés peut être déterminant. Par exemple, en milieu urbain ou en situation d’agriculture intensive, les insectes peuvent se raréfier ou manquer, et, comme c’est le cas pour les Taraxacum, les triploïdes agamospermes sont nettement dominants par rapport aux sexués allogames.