Quand les vigie-floristes observent (aussi) les bryophytes…

Le programme Vigie-flore vise à mobiliser les botanistes volontaires pour suivre les changements
d’abondance des espèces végétales les plus communes en France. De manière implicite, le suivi de la flore commune se concentre naturellement sur la flore vasculaire. En effet, 99,3 % des espèces relevées dans le cadre de ce programme sont des trachéophytes! Il n’en demeure pas moins que quelques vigies-floristes, bryologues par ailleurs ou tout simplement curieux de découvrir ce groupe d’espèces, ont profité des relevés vigie-flore pour inventorier dans le même temps les bryophytes. Le faible volume de données disponibles (514 observations depuis 2008) rend impossible leur exploitation à des fins scientifiques mais il n’en demeure pas moins intéressant de regarder plus en détail ce que ces vigies-floristes ont pu ainsi observer de façon à en faire profiter l’ensemble du réseau des observateurs.

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Hylocomnium splendens : une bryophyte pleurocarpe commune et pourtant peu décelée lors des relevés vigie-flore (photo D. HAPPE)

Un inventaire plutôt sélectif des bryophytes…

Depuis le lancement du programme vigie-flore, 46 observateurs du réseau ont relevé au moins une espèce de bryophyte. 55 espèces de bryophytes ont fait l’objet d’au moins un relevé, ce qui comparativement à la bryoflore française (plus de 1100 espèces), demeure très faible.

Ce sont préférentiellement les espèces forestières ou d’affinités forestières qui ont été relevées, la quasi-totalité des espèces relevées sont des bryophytes terricoles, humicoles ou turficoles.

55 % des bryophytes inventoriées concernent des placettes localisées dans des forêts caducifoliées et 27 % dans des forêts de conifères ou des forêts mixtes (mélange feuillus et conifères).
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Campylopus introflexus ou « mousse cactus »: observée ici sur les racines d’un chablis d’épicéa commun (photo D. HAPPE)

Quelques espèces originales ont attiré l’œil des vigie-floristes

Si la grande majorité des espèces relevées font partie de la bryoflore commune, il y a lieu de souligner que
quelques observateurs ont eu la chance de déceler des espèces patrimoniales sur les placettes qu’ils
suivaient.

Une observatrice du réseau a par exemple pu noter la présence de Sciuro-hypnum starkei sur une maille vigie-flore en Aveyron (Balard Y. 2012). Cette espèce, dont les connaissances sur sa répartition en France demeurent assez lacunaires, est évaluée EN (en danger) dans la récente liste rouge des bryophytes menacées de la région voisine de l’Auvergne (Hugonnot V. & Celle J.2014).

Parmi les autres espèces peu ou moins communes, on peut également citer Fissidens monguillonii et Pedinophyllum interruptum respectivement observées dans une maille de Gironde (Engel G. 2014) et une maille de l’Ain (Duytschaever F. 2014).

Plusieurs mentions aussi de Campylopus introflexus en Gironde (Montferrand Ch. 2009 à 2014) et en Alsace (Tinguy 2009) n’est guère étonnante. Cette espèce invasive, originaire de l’hémisphère Sud, fait partie de la vingtaine d’espèces végétales les plus invasives en milieu forestier (Dumas Y. 2011). Ses caractéristiques morphologiques conduisent aujourd’hui les botanistes à la dénommer la « mousse cactus » (Dumas Y. 2011).
Son caractère très pionnier lui permet de se développer dans de nombreux habitats perturbés tant en plaine qu’en moyenne montagne.

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Bryum argenteum sur un chemin pavé (photo D. HAPPE)

Les bryophytes, une nouvelle source de motivation pour les vigies-floristes les plus aguerris ?

Les observateurs du programme Vigie-Flore constituent un réseau national de botanistes-observateurs en France important et structuré. Pourquoi donc de ne pas profiter de ce réseau et de ses membres les plus expérimentés pour favoriser la collecte d’informations sur les bryophytes observés lors des inventaires des placettes du réseau ? Même si la bryologie connaît actuellement un regain d’intérêt aux yeux des botanistes, force est de constater que les connaissances capitalisées sur ce groupe d’espèces demeurent encore très lacunaires. La collecte de données d’observations sur les bryophytes, y compris les espèces les plus communes, présente donc un intérêt non négligeable. Les analyses présentées ci-avant montrent que les vigies-floristes qui ont souhaité relever la présence de bryophytes se sont préférentiellement intéressées aux espèces terricoles (assez logiques quand on mène un inventaire floristique!) et forestières. La plupart des milieux, y compris les plus perturbés et anthropisés, présentent fréquemment une « capacité d’accueil ». C’est par exemple le cas pour des espèces facilement
identifiables telle que Bryum argenteum ou Funaria hygrometrica en milieu artificialisé. Par ailleurs, n’oublions pas que les arbres, les rochers, les souches, le bois mort (…) constituent des micro-habitats très intéressants pour la bryoflore et qu’il pourrait également être intéressant de profiter des relevés « vigie-flore » pour les prendre en compte dans le cadre de l’inventaire.

La détermination des bryophytes est source de découvertes et peut-être de nouvelles vocations pour les observateurs engagés que nous sommes. Alors, à vos loupes !

-> Extrait de « Quand les vigie-floristes observent (aussi) les bryophytes… », David Happe (référent régional Vigie-flore Auvergne)

-> Pour retrouver l’article entier, c’est ici !

-> Pour rejoindre le réseau Vigie-flore : www.vigie-flore.fr

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