Appel à l’action contre les incendies en Nouvelle-Calédonie
Comité français pour l’UICN – Communiqué de presse – 01 02 06.
Des incendies à répétition menacent le patrimoine naturel unique au monde de la Nouvelle-Calédonie. Face à ce problème récurant, particulièrement grave cette année, les moyens disponibles localement sont très insuffisants. Le Comité français pour l’UICN (Union mondiale pour la nature) demande aux autorités des solutions concrètes.
La Nouvelle-Calédonie est un « point chaud » de la biodiversité mondiale, qui abrite notamment 2423 plantes, 111 vertébrés et plus de 4000 invertébrés uniques au monde. Chaque année, ce patrimoine est menacé par de grands incendies de forêts. Ce problème grave et récurant est largement sous-estimé par rapport aux incendies que connaissent par exemple le Var ou la Corse en métropole.
Déjà fin 2004 les pompiers de Nouvelle-Calédonie faisaient état d’une « catastrophe sans précédent » et les associations locales diffusaient un communiqué : « Doit-on laisser brûler la Nouvelle-Calédonie dans l’indifférence générale ? ».
Les autorités françaises avaient envoyé sur place une mission d’évaluation. Selon le rapport Boussés de cette mission, remis aux autorités françaises début 2005 : « la sécurité civile, les services d’incendie et de secours et la stratégie générale de lutte contre les feux » de Nouvelle-Calédonie sont « dans la situation où ils se trouvaient en métropole au début des années 1970 ».
Cette situation porte directement atteinte à la sécurité des biens et des personnes et menace indirectement de nombreuses activités humaines. Les incendies ont un impact considérable sur les milieux naturels calédoniens et minent les efforts et engagements locaux, nationaux et européens pour la protection de la biodiversité (notamment : programme de sauvegarde des forêts sèches soutenu par les collectivités de Nouvelle-Calédonie, Stratégie Nationale pour la Biodiversité adoptée en février 2004, engagement du Conseil européen de Göteborg (2001) à enrayer la perte de biodiversité à l’échéance 2010).
En concertation avec les acteurs locaux, le Comité français pour l’UICN adresse aux pouvoirs publics une recommandation détaillée (jointe à ce communiqué). Ces propositions visent à faire de la prévention et de la lutte contre les incendies une priorité de l’action publique en Nouvelle-Calédonie.
Les derniers incendies ont contribué à une prise de conscience. Beaucoup d’acteurs locaux se sont mobilisés avec énergie et dévouement, dans des conditions très difficiles. A présent, il faut répondre à leur espoir de voir la Nouvelle-Calédonie dotée de moyens de prévention et de lutte anti-incendies modernes et adaptés.
————————————————————-
Lutte contre les incendies en Nouvelle-Calédonie. Recommandation du Comité français pour l’UICN – 01 02 06
Sachant que la Nouvelle-Calédonie est un point chaud de la biodiversité mondiale, qui abrite notamment 2423 plantes, 111 vertébrés et plus de 4000 invertébrés uniques au monde, ainsi que de nombreuses espèces non découvertes à ce jour ;
Constatant que des incendies pour la plupart d’origine humaine ravagent chaque année plusieurs dizaines de milliers d’hectares de végétation, et portent atteinte à des écosystèmes d’une grande valeur écologique et patrimoniale ;
Considérant que ces incendies entraînent la fragmentation des milieux naturels et une perte de la diversité génétique de nombreuses espèces, pouvant conduire à l’extinction de certaines d’entre elles ;
Considérant également que cette destruction des écosystèmes par les incendies porte atteinte à la sécurité des biens et des personnes et aux activités humaines, notamment par la dégradation des réserves en eau et la diminution des potentiels agricole et touristique ;
Considérant enfin que la répétition des incendies met à nu les sols et favorise l’érosion, augmentant le risque d’inondations et affectant à terme les milieux aquatiques et marins, y compris la barrière de corail, dont l’inscription au Patrimoine Mondial est envisagée ;
Rappelant que les écosystèmes de Nouvelle-Calédonie sont souvent fragiles, et déjà soumis à d’autres menaces comme l’exploitation minière, les espèces envahissantes et le changement climatique ;
Constatant la faiblesse et l’insuffisante coordination des moyens humains et matériels de prévention et de lutte anti-incendies disponibles en Nouvelle-Calédonie, qui obligent pompiers et volontaires à agir dans des conditions risquées et très difficiles, avec une efficacité réduite ;
Constatant également que le recours aux équipes et aux matériels provenant de métropole ou de pays voisins ne permet pas la réactivité nécessaire face à ce problème récurrent ;
Le Comité français de l’UICN (Union mondiale pour la nature) demande aux autorités locales, nationales et européennes de :
Reconnaître la prévention des feux et la lutte anti-incendies comme des priorités de l’action publique en Nouvelle-Calédonie ;
Doter la Nouvelle-Calédonie de moyens techniques et humains propres lui permettant de faire face rapidement à des incendies de grande ampleur ;
Adopter un plan d’action « Feu Nouvelle-Calédonie » construit et porté par l’ensemble des acteurs calédoniens concernés par cette thématique (collectivités, administrations, sénat coutumier, pompiers, armée, socioprofessionnels, associations, instituts de recherche) ;
Entreprendre un profond effort de sensibilisation de la population, en tenant compte des réalités culturelles ;
Améliorer la prévention par une cartographie du risque, une veille météo, un observatoire de l’état de la végétation, un réseau de surveillance permettant d’impliquer les populations, et la diffusion d’appels à la prudence pendant les périodes sensibles ;
Adapter et appliquer la réglementation, pour la prévention des feux et à l’encontre des incendiaires, et pour le règlement opérationnel des services d’incendie et de secours ;
Mettre en place des entités de coordination efficaces pour gérer les priorités de lutte et le pré-positionnement des moyens à l’échelle de la Nouvelle-Calédonie : centre de traitement de l’alerte et Centre Opérationnel Territorial d’Incendie et de Secours (COTIS) ;
Prendre en compte l’importance écologique des sites dans la planification des priorités de lutte contre les incendies, en liaison avec les scientifiques et les associations ;
Identifier rapidement les crédits pérennes nécessaires à ces actions, notamment dans le cadre des documents de programmation des fonds nationaux et européens ;
Engager une négociation avec les sociétés minières pour qu’elles contribuent à cet effort, parmi les actions qu’elles doivent engager pour restaurer les écosystèmes dégradés par leurs activités, diminuer leur impact environnemental et y apporter des compensations ;
Renforcer le soutien aux associations de protection de la nature, en reconnaissance de leur rôle essentiel d’alerte, de sensibilisation et de mobilisation face aux incendies.
Recommandation adoptée le 1er février 2006 par les membres français de l’UICN
Jean-Philippe Palasi
Chargé de mission outre-mer et Méditerranée
Comité français pour l’UICN
Union mondiale pour la nature
26 rue Geoffroy St-Hilaire, 75005 Paris
tel : 01 40 79 48 09 – 06 61 64 78 59
fax : 01 47 07 71 78