Les Ormes (Ulmus procera) dans les remparts de Maubeuge
En examinant les feuilles, je me suis aperçu qu’elles avaient toutes la même forme. Après consultation de ma documentation, la disposition et l’aspect des feuilles faisaient penser à des ormes. Cependant cela m’étonnait car cette espèce avait été décimée par la graphiose et je pensais qu’elle n’existait plus à l’état d’arbre adulte. Fin 2019 un botaniste, spécialiste des arbres, a fait une conférence, le sujet était ormes et chênes. À la vue de feuilles que je lui ai présentées, il m’a confirmé qu’il s’agissait bien de l’orme champêtre. Il a également expliqué que si la grande majorité des ormes avait été contaminée, il pouvait en subsister dans des endroits isolés non touchés par la graphiose.
Ces petits arbustes plus ou moins serrés sont disposés en cercle autour de deux grands ormes, l’un de diamètre 15 cm et l’autre 25 cm et distants l’un de l’autre d’environ 4 m. La présence de ces deux ormes ainsi que de frênes et de merisiers rendent l’endroit partiellement ombragé. La lumière arrive très bien par le nord-est car de ce côté il n’y a pas d’arbre, une route passe un peu plus loin. La limite de ce cercle d’arbustes se trouve à une vingtaine de pas des grands ormes en direction de la clarté mais ne dépasse guère les 5 à 10 pas à l’opposé, plus sombre. Les arbustes côté lumière se développent bien. Ils sont parfaitement verticaux, réguliers et bien formés. A l’opposé, la luminosité plus faible gène la croissance des arbustes. Ils sont beaucoup plus frêles, ont un port très irrégulier avec des tiges plus fines et moins hautes.
Dans les endroits les mieux éclairés, la hauteur varie de 1m 50 à 2m 30. A l’opposé, dans les endroits sombres, ils font un mètre environ.


En observant de près ces arbustes, on remarque qu’il y a deux parties, le côté bas avec de petites branches et la partie supérieure avec uniquement des feuilles. Entre les deux parties on distingue nettement la transition entre les deux années, un peu au-dessus de la petite branche supérieure. Ce qui me fait penser qu’ils pourraient être âgés de deux ans.
L’emplacement très local de ces petits arbustes indique qu’il s’agit en fait de drageons nés à partir des racines des deux grands ormes. J’ai voulu voir ce qu’il en était exactement et j’ai arraché un de ces arbustes. La racine pivotante est aussi grosse que le bas de la tige et pénètre presque verticalement dans la terre. J’ai pu avoir une longueur de 40 cm environ. Elle s’amincit petit à petit et a cassé car devenue trop fine. L’aspect en coin du raccordement de la tige sur la racine s’explique par les coupes précédentes au ras du sol.
Tout ceci est à rapprocher de la nouvelle politique des jardiniers de la Ville. Tous les ans en octobre les jardiniers nettoient complètement les remparts en rasant toutes les plantes plus ou moins fanées, ne restent que les arbres. Tout était parfaitement nettoyé. Mais à partir de 2017, la ville a décidé de laisser faire la nature en n’entretenant que les chemins (et encore !) ainsi que les endroits plus touristiques. C’est ce qui permet à toutes espèces d’arbustes de se développer. Cette méthode a aussi des inconvénients. En certains endroits ou auparavant nous avions une multitude de fleurs diverses, la ronce prend le dessus, forme une couche épaisse de 50 cm très dense qui étouffe toutes les autres plantes.
Après cette découverte j’ai cherché à savoir s’il y avait d’autres ormes ailleurs. J’en ai trouvé un peu partout !
D’un diamètre de 15 cm pour l’un et 25 cm pour l’autre, leurs branches sont suffisamment basses pour observer les feuilles. Celles-ci apparaissent en seconde quinzaine d’avril. Aucun des deux ne fleurit. Ils sont probablement trop jeunes.
(photos 3 et 4) Le tronc de ces deux arbres est profondément crevassé. En examinant de près on s’aperçoit que l’écorce est constituée de plusieurs couches. On peut en déduire une évolution de la manière suivante. La paroi du tronc s’épaissit par création des couches successives et finit par se fendiller. Avec la croissance de l’arbre, ces fissures s’amplifient pour finalement former de véritables ravins.
Ci-dessous l’arbre diamètre 25 cm.
(photo 5) L’écorce forme des îlots composés de nombreuses strates qui se délitent aisément à condition que ce soit très humide. Ci-dessus, aspect extérieur.
(photo 6) Le même échantillon aspect envers. On remarque les surfaces parfaitement planes.

(photos 7 à 9) Ce sont les feuilles qui m’ont permis de déterminer le nom de cette espèce.
(photos 10 et 11) Les feuilles sont alternes et disposées dans un même plan vertical sur les tiges et branches pour être face à la lumière. Ceci est si net que branches feuillées vues de loin peuvent signifier que l’on est en présence d’un orme, à confirmer en se rapprochant évidemment. Les feuilles sont presque arrondies et terminées en pointe. Les bords sont bidentés. Les côtés du limbe se raccordent sur un court pétiole avec un net désaccostage surtout visible sur les arbres adultes. En fin de saison la feuille de couleur vert foncé est rêche au toucher.
Deux exemples de branches soupçonnant être un orme. A confirmer bien sûr par un examen plus approfondi.

Un examen des tiges montre qu’il y a deux parties, le côté bas avec de petites branches et la partie supérieure avec uniquement des feuilles. Entre les deux parties on distingue nettement la transition entre les deux années, un peu au-dessus de la branche supérieure. La tige la plus ancienne présente des grosses marbrures foncées dans le sens longitudinal. La tige de l’année est lisse et de couleur marron rougeâtre, tout comme les branches. On peut donc déduire que ces mini arbres ont deux ans d’existence.
La feuillaison débute en deuxième quinzaine d’avril. Les premières feuilles à se développer sont celles de la partie supérieure de l’arbuste. Fin mai, toutes les feuilles sont apparues. Seules les extrémités des deux branches supérieures et la prolongation de la tige continuent à croitre avec de nouvelles feuilles. La croissance se termine en juin-juillet.
A la mi-octobre les feuilles commencent à jaunir. Début décembre, toutes les feuilles sont jaunes, il n’en reste que quelques-unes sur les arbustes.
En septembre 2019 j’ai sélectionné trois drageons en vue de faire un suivi chaque année. Il apparait que leur développement est identique dans les principes, les seules variations étant dans les longueurs ou quelques particularités comme bourgeons avortés ou des branches cassées. Voici le déroulement de la croissance d’un de ces drageons :
État en septembre 2019 :
- D’une hauteur de 109 cm, le drageon est âgé de 2 ans. Les deux parties sont séparées par un nœud nettement visible.
- Tronçon I : cette partie basse mesure 39 cm de haut, sept petites branches toutes fines sont présentes dans la moitié supérieure. Courtes pour les trois plus basses, elles sont de plus en plus longues lorsqu’on s’élève, la supérieure mesurant 25 cm et comportant 14 feuilles. Dans la moitié inférieure on décèle des traces de bourgeons ou de branches tombées.
- Tronçon II : cette partie supérieure de 70 cm de haut ne comporte que des feuilles, 23 au total dont une terminale. Elles sont alternes, opposées et espacées d’une manière très homogène tous les 3 centimètres.
État en septembre 2020 :
- La tige ne s’est pas allongée. En effet, son extrémité n’est plus que du bois mort, du sommet jusqu’à la branche supérieure.
- Tronçon I : cette partie mesure toujours 39 cm. Les branches se sont allongées de 5 mm pour les plus basses à 35 mm pour les plus hautes. Les nœuds sont nettement visibles. Les bourgeons qui étaient à l’aisselle des feuilles ont donné naissance à de petites branches secondaires mesurant 5 à 20 mm. Certains bourgeons sont restés stériles. Par exemple la branche supérieure possède 9 branches secondaires avec 2 à 5 toutes petites feuilles chacune. Quatre emplacements sont restés vides et le bourgeon terminal est à l’origine de l’allongement de 35 mm avec 4 petites feuilles.
- Tronçon II : toutes les feuilles sont remplacées par des branches à l’exception de 5 emplacements restés vides. On retrouve le même schéma que sur le tronçon I l’année dernière. Tout en haut se trouve la plus grande branche. Ses 43 cm de long comportent 19 feuilles. Puis nous avons une branche de 27 cm avec 12 feuilles. Suivent les branches de plus en plus petites, 13,5 cm, suivi d’une de 7,5 cm et une autre de 6,5 cm. Les 4 suivantes font 4 à 6 cm. On diminue comme cela pour arriver aux 6 plus basses ne mesurant que 1 à 2 cm. Toutes ces branches sont garnies de feuilles, assez grandes pour les grandes branches, petites pour les autres. Si les petites branches sont à peu près perpendiculaires à la tige, les plus grandes ont tendance à être inclinées vers le haut, surtout la branche supérieure. La partie supérieure de ce tronçon est mort.
- Tronçon III : il n’existe pas, suite à la mort de la partie supérieure de la tige (4 cm).
État en septembre 2021 :
- L’arbuste a continué à grandir. La branche supérieure a pris le relais de la tige et s’est bien redressée mais n’est pas encore tout-à-fait à la verticale.
- Tronçon I : les branches ont continué à s’allonger, beaucoup moins que l’année dernière. Prenons exemple de la branche supérieure. Elle a grandi de 25 mm. Les branches secondaires se sont également allongées de quelques millimètres. Certaines comportent des branches « tertiaires » d’à peine 5 mm qui ont pris naissance sur la partie datant de l’année dernière.
- Tronçon II : on retrouve le même déroulement que pour le tronçon I l’année précédente. La branche supérieure de 27 cm ne s’est allongée que d’un cm, par contre les branches secondaires vont de 8 mm pour la plus petite à 120 mm pour la plus grande. En général les branches ne se sont allongées que de 3 cm au maximum.
- Tronçon III : le sommet de la tige étant mort (le bout de 4 cm est encore accroché à la tige mais tient à peine), c’est la branche la plus haute qui a pris le relais. Elle s’est bien redressée mais reste encore légèrement penchée. C’est ainsi que nous avons un tronçon de 43 cm avec les branches secondaires feuillées, quatre bourgeons ne se sont pas développés. Les plus grandes branches mesurent 46 cm de long pour la plus haute, puis 59 cm, 10,5 cm pour la troisième. Les suivantes mesurent 4 cm à 0,5 cm pour la plus basse.
- Tronçon IV : par voie de conséquence nous avons un tronçon qui vient en extrémité. Celui-ci est très court (8,5 cm) et ne comporte que 6 feuilles.
Conclusion :
Nous avons maintenant un petit arbuste de 4 ans et qui mesure 1 m 57. Les branches suffisamment longues (plus de 15 cm) ont l’air de bien se développer. Les branches plus petites, surtout celles de moins de 5 cm de long, ne semblent pas très viables. Ceci est conforté aussi par leur tout petit diamètre, environ 1,5 mm. En 2022 je pense que plusieurs d’entre elles disparaîtront. C’est la sélection naturelle !
Une autre remarque concerne l’allure générale. Toutes les feuilles sont sensiblement verticales. Avec ses branches, cet orme occupe une largeur de 50 cm environ, mais seulement 10 cm au maximum dans l’épaisseur. Vu de dessus, nous avons un rectangle assez étroit. Cet aspect est dû à sa position sur le site. En effet la lumière n’arrive que du côté nord-est car les autres côtés sont occupés par des grands arbres qui tamisent l’éclairage. Donc l’arbuste s’est développé face à l’arrivée de la lumière. Ceci est valable pour tous les autres petits ormes du secteur.
Comme un schéma vaut toujours mieux qu’un long exposé :
Voici le drageon tel qu’il se présentait en septembre 2021. Les branches sont dessinées à l’échelle 1/3 (par rapport au format A4 de la feuille). Les espacements sur la tige sont équidistants ce qui d’ailleurs est à peu près vrai., 25 à 30 mm entre chaque feuille. Les petits ronds schématisent les feuilles.




J’avais sélectionné deux autres drageons. Leur développement s’est déroulé d’une manière similaire ce qui permet d’en déduire quelques principes :
- Les feuilles ne sont présentes que sur les parties branches et tige datant de l’année.
- Chaque tronçon de tige est séparé par un nœud très bien visible, mais qui s’atténue et disparait deux ou trois ans plus tard.
- Chaque tronçon de tige ou de branche atteint sa longueur définitive à la fin de la saison et ne s’agrandit plus. La croissance ne se fait que par allongement à partir des bourgeons terminaux.
- Les branches alternes sont quasi opposées, les deux plans verticaux forment un angle de 160° environ.
- Plusieurs bourgeons peuvent rester stériles sans donner de branches.
- Dans un tronçon de tige, les branches basses sont très courtes (5 à 40 mm) et très fines (1,5 mm environ). Les supérieures sont les plus longues, jusqu’à 40 cm pour la plus haute., et de plus fort diamètre.
Des observations précédentes j’ai déduit une croissance typique de ces arbustes.
An 1 : Une tige assez longue de l’ordre de 50 cm émerge du sol. Elle ne comporte que des feuilles alternes régulièrement espacées et une supérieure. A l’aisselle de chaque feuille il y a un bourgeon.
An 2 : Les bourgeons latéraux donnent naissance à de petites branches feuillées. Les une ou deux plus hautes peuvent mesurer jusqu’à 20 cm, les autres ne dépassent pas les 3 ou 4 cm et sont très fines, d’un diamètre de 1,5 mm environ. Le bourgeon supérieur a permis le développement de la plante vers le haut. Cette nouvelle tige s’élève de 40 à 50 cm et ne comporte que des feuilles alternes. La partie basse de la tige reste sans feuille et se lignifie.
An 3 : L’arbuste suit le même processus. Le bourgeon terminal assure la croissance en hauteur de la tige. Cette nouvelle partie mesure 30 à 40 cm. Elle ne comporte que des grandes feuilles toujours alternes et espacées de 25 à 30 mm.
La partie de tige apparue l’année dernière se lignifie, les bourgeons latéraux donnent naissance à des branches. Les deux supérieures peuvent mesurer jusqu’à 20 à 40 cm et ont un diamètre de 3 mm environ. Les feuilles, grandes, sont alternes et espacées de 25 à 30 mm. La branche en dessous est plus courte, de l’ordre de 8 à 10 cm et est plus fine. Toutes les branches situées en dessous mesurent 0,5 à 5 cm, ont un diamètre de 1,5 mm et ne comportent que 3 à 5 toutes petites feuilles.
Concernant la partie basse de la tige (an 1), plusieurs petites branches sont cassées. Les rescapées s’allongent de 2 à 3 cm, un ou deux bourgeons donnent naissance à une branche secondaire de 0,5 à 2 cm de long maximum qui va donner deux ou trois toutes petites feuilles. En fait, ces branches, trop frêles, sont appelées à disparaître les années suivantes.
On a maintenant un bel arbuste d’un mètre de haut. La tige, on peut parler du tronc du futur arbre, fait 6 mm de diamètre en bas, 5 mm au niveau du 2ème nœud. Toutes les branches forment deux plans d’un angle de 140° à 160° orientés face à la lumière. Les feuilles sont disposées verticalement. Vu de dessus, l’aspect presque plan de l’arbuste est parfaitement net. C’est une des caractéristiques de l’orme champêtre (voir photos plus haut).
An 4 et suivants : la croissance continue de la même manière. Les petites branches de moins de deux millimètres de diamètres vont disparaître au fur et à mesure, ne resteront que les une ou deux plus grosses en haut de chaque tronçon qui continuera à grandir, les plus basses disparaîtront également dans les années futures.
J’ai pris comme exemple un arbuste situé à une centaine de mètres de mon champ de recherches précédent.
C’est aussi un endroit très intéressant par son lieu. En effet de nombreux arbustes sont disposés en un alignement serré de 4 ou 5 mètres de long orienté SSE, sur le bord de la muraille, dominant la douve. Ils sont largement exposés à la lumière, à l’opposé ils ont l’ombrage en provenance du bois de l’autre côté d’un large chemin. D’âges identiques aux précédents arbustes étudiés, ils mesurent 2 m 50 à 3 m de haut (en 2021) et sont également étalés en largeur. Leur plus grande hauteur ne peut être dû qu’à un éclairage nettement meilleur, la photosynthèse fonctionne avec de meilleurs résultats ce qui donne beaucoup d’énergie et donc une meilleure croissance.
J’ai choisi un des plus hauts (3 m 10) pour y prélever des échantillons aux niveaux des nœuds.
Echantillon prélevé au niveau du nœud le plus élevé :
Les deux coupes sont situées à 40 mm du nœud séparant les deux tronçons, ce nœud étant à environ 2,40 m de haut. La partie supérieure correspond à la tige poussée cette année 2021, celle-ci mesurant 70 cm de long. L’échantillon n°1 au-dessus du nœud d’un diamètre de 6,0 mm comporte au centre le cœur blanc de ¾ mm environ entouré d’un halo sombre. Au-delà il n’y a qu’un seul cerne de 5 ¼ mm, ce qui est normal. La coupe inférieure (n°2) de diamètre 6 ¾ mm présente sensiblement le même aspect, un seul cerne, pourtant nous sommes dans la partie de la tige âgée de deux ans. Étant presque en haut de ce tronçon, le second cerne doit être trop fin pour être discernable.
Le nœud est parfaitement visible. Au-dessus la tige est grossièrement veinée marron-rouge tout autour dans le sens long, en remontant vers son extrémité, la peau devient uniforme et de couleur marron-rouge. Par contre sur la partie datant de l’année précédente, seule la face orientée côté ombre présente ces veines. Le côté exposé à la lumière est d’une couleur beaucoup plus homogène. Les branches datent de cette année, issues des bourgeons de l’année dernière. Elles sont grossièrement veinées ou teintées de marron-rouge.
Les branches côté droit et côté gauche forment deux plans presque dans le prolongement l’un de l’autre (environ 160°).

Echantillon prélevé au 2ème nœud :
Le nœud est bien visible. Les deux coupes (n°3 et 4) sont à 40 mm de part et d’autre au nœud (à 180 cm de haut).
La partie supérieure correspond à la pousse de l’année dernière qui a donc deux ans. Cette fois, on voit nettement les deux cernes contrairement à l’endroit situé sous le premier nœud. On peut faire la même remarque que précédemment pour l’aspect de la tige. De grosses veines pour la face à l’ombre, beaucoup plus fines pour l’autre face. La coupe, de diamètre de 8 ½ mm, montre un cœur de 0,8 mm, un premier cerne de 3 ¾ mm et un second plus clair de 7 ½ mm (soit le diamètre du bois hors écorce). On distingue également trois traces radiales partant du cœur formant deux angles de 60° (défaut de polissage ?).
La coupe inférieure mesure 9 ¾ mm montre également deux cernes, le petit de 4 ½ mm et le grand de 8 ¾ mm. Comme précédemment les deux coupes ont le même aspect, le 3ème cerne n’est pas visible.

Echantillon prélevé au 3ème nœud :
La coupe n°5 se trouve au-dessus du 3ème nœud, soit à 130 cm de haut environ. On est donc dans le tronçon 3 ans. Cette fois je n’ai fait qu’une seule coupe, au-dessus du nœud maintenant à peine visible. La photo montre bien les trois cernes, de diamètres 4 mm, 6 ¾ mm et 11 ¼ mm, le diamètre extérieur étant de 12 ½ mm. Les grosses stries de l’écorce que l’on voyait dans les échantillons précédents sont nettement plus fines, les faces à l’ombre et à la lumière ne se distinguent presque plus.

Echantillon prélevé au 4ème nœud :
En fait ce nœud n’est plus visible, j’ai donc fait le prélèvement n°7 à mi-hauteur. La coupe se trouve à environ 75 cm de haut par rapport au sol.
Son diamètre est égal à 14 ¾ mm. On peut y discerner comme toujours le cœur qui mesure un mm environ, puis quatre cernes dont les diamètres sont : 3 ¼ mm, 6 ½ mm, 9 mm et 13 ½ mm, ce dernier représentant le diamètre extérieur du bois hors écorce.
L’aspect extérieur de la tige est uniforme légèrement veiné. On y remarque de nombreuses protubérances. On y voit également les traces de fixation des anciennes branches qui sont mortes et tombées.
Echantillon prélevé près du sol :
Son diamètre est égal à 17 ¾ mm. La coupe n°9, à 15 cm de haut par rapport au sol, montre quatre cernes en plus du cœur. Leur diamètre est : 5 ¼ mm, 8 ½ mm, 11 ½ mm et 16 ¼ mm. Une fissure radiale part du cœur dans deux directions opposées sur environ la moitié de la surface. Etant pris à proximité du sol en novembre 2021, cet échantillon avec quatre cernes représente bien l’âge de l’arbuste. La tige initiale est donc apparue en 2018.
Chaque cerne est constitué de plusieurs parties. En partant de l’intérieur vers l’extérieur, on trouve d’abord une zone de faible largeur dont les cellules sont plus ou moins rondes, puis des marques occupant la plus grande partie du cerne forment des figures en zigzag, plus grosses sur le cerne extérieur, faisant penser à une écriture d’un pays exotique ! Il ne peut s’agir que des cellules de la tige coupée en travers mais leur configuration parait étrange. L’extérieur des cernes est bordé d’une couche plus foncée qui correspond à la croissance en de fin de saison ce qui permet de déterminer la limite des cernes. Enfin un liseré blanc entoure le cerne.
L’aspect extérieur de la tige est identique à l’échantillon précédent.

Passage au « scanner » du 3ème tronçon :
J’ai voulu voir comment évoluaient les cernes entre deux nœuds. J’ai choisi le tronçon de tige compris entre les échantillons n° 4 et 5. Nous sommes au niveau de trois cernes, mais deux seulement pour le n°4. J’ai prélevé trois échantillons répartis uniformément entre les n°4 et 5, appelés n° 18 (photo 21), 20 (photo 22) et 22 (photo 23). Les dimensions des cernes sont indiquées dans le tableau suivant.
Réalisation des mesures de diamètres : le millimètre me semblait insuffisant, j’ai choisi comme unité de précision le quart de millimètre. Le dixième de millimètre aurait été illusoire car les cernes ne sont ni bien ronds ni concentriques. Les valeurs indiquées sont la moyenne de deux diamètres perpendiculaires.

Tableau des relevés (la numérotation des cernes va de l’intérieur vers l’extérieur) :
Diamètre des cernes | Ø ext. | Epaisseur des cernes | |||||||||
N° | Nœud | Cœur | 1er | 2ème | 3ème | 4ème | 1er | 2ème | 3ème | 4ème | |
Ech. 1 | 1er | ¾ | 5 ¼ | 6 | 2 ¼ | ||||||
Ech. 2 | 1er | ¾ | 5 ¾ | 6 ¾ | 2 ½ | ||||||
Ech. 3 | 2ème | ¾ | 3 ¾ | 7 ½ | 8 ½ | 1 ½ | 1 ¾ | ||||
Ech. 4 | 2ème | ¾ | 4 ½ | 8 ¾ | 9 ¾ | 1 ¾ | 2 | ||||
Ech. 18 | / | 1 | 2 | 5 ¼ | 9 ¼ | 10 ½ | ½ | 1 ½ | 2 | ||
Ech. 20 | / | 1 | 2 ¾ | 6 | 10 ¼ | 11 ½ | 1 | 1 ½ | 2 | ||
Ech. 22 | / | 1 | 3 ¼ | 6 ½ | 10 ½ | 11 ¾ | 1 ¼ | 1 ½ | 2 | ||
Ech. 5 | 3ème | ¾ | 4 | 6 ¾ | 11 ¼ | 12 ½ | 1 ½ | 1 ½ | 2 ¼ | ||
Ech. 7 | 4ème | 1 | 3 ¼ | 6 ½ | 9 | 13 ½ | 14 ¾ | 1 ¼ | 1 ¾ | 1 ¼ | 2 ¼ |
Ech. 9 | Sol | 1 | 5 ¼ | 8 ½ | 11 ½ | 16 ¼ | 17 ¾ | 2 | 1 ½ | 1 ½ | 2 ¼ |

Le diamètre du cœur (en blanc) est constant sur toute la hauteur, d’environ 1 mm.
Le premier cerne (couleur marron) ne concerne que la partie basse de la tige. Il s’affine en se rapprochant du 3ème nœud. Il correspond à l’an 1 de la tige.
Le 2ème cerne (couleur beige) formé au cours de la 2ème année d’existence de l’arbuste est constant jusqu’au 3ème nœud (échantillon 5). Puis il diminue progressivement jusqu’au second nœud (échantillon 4) pour finir par disparaitre.
Le 3ème cerne (en bleu) reste à peu près au même diamètre jusqu’au 2ème nœud puis s’amenuise comme précédemment.
Le 4ème cerne (en vert) formé cette année suit la même règle. Il réduit son diamètre à partir du 1er nœud.
En résumé :
- Les cernes marquant les années sont nettement visibles.
- Les nœuds sont bien visibles mais s’atténuent en avançant dans l’âge et disparaissent.
- Deux coupes positionnées à 5 cm au-dessus et au-dessous d’un nœud marquant la limite annuelle ont le même nombre de cernes.
Suite à la découverte de ces petits ormes, je me suis mis à rechercher s’il y en avait d’autres dans les remparts. Et j’en ai trouvé plusieurs. Le plus intéressant est un arbre adulte situé en bordure du bois Vauban toujours dans les remparts. C’est un des rares qui fleurisse et donne des fruits. Vu début novembre 2019, j’ai eu la confirmation en mai 2020 qu’il s’agissait bien d’un orme grâce aux fruits ailés qu’il portait. Mesure du diamètre du tronc : 33 cm.
J’ai loupé de début de floraison en mars 2021, mais j’ai assisté à la fin de la floraison et à sa fructification. J’en ai trouvé un autre à une vingtaine de mètres de là également en cours de fructification.
Cet orme est un des rares à fleurir et à donner des graines. Les fleurs photographiées le 31 mars 2021 sont déjà dans un état avancé. La photo de gauche montre que la touffe de fleurs est issue d’un seul bouton sur une partie de branche datant de l’année précédente. Chaque fleur, sans pétales, est en forme d’entonnoir vert avec des zones plus ou moins rougeâtres et couvertes de petits poils blancs. On distingue nettement les étamines aux anthères marron.


Il y a d’autres ormes en divers endroits des remparts, beaucoup ne fleurissant pas, probablement trop jeunes. Au long de la Sambre, plusieurs ormes sont en alignement, mélangés avec des charmes, sur une longueur d’une cinquantaine de mètres environ. En continuant sur le halage, on en trouve d’autres plus ou moins espacés.
Finalement c’est un arbre pas aussi rare qu’on aurait pu le penser. Leur situation isolée les a laissés en dehors des atteintes de la graphiose.
Dans les remparts de Maubeuge et au bord de Sambre l’orme champêtre est bien présent, de l’arbuste de 1 m à l’adulte au diamètre 35 cm. Ils sont rares à fructifier, deux ou trois seulement. Fleurs et samares apparaissent en mars-avril avant les feuilles. La feuillaison démarre aussitôt après la fin de floraison. Elle s’arrête dans le milieu de l’été.
La croissance de l’arbre ne se fait que par prolongation des extrémités des rameaux ou de la tige, matérialisé par les nœuds nettement visibles. En fin de saison chaque branche a atteint sa longueur définitive et ne s’allonge plus. Une branche est une succession de tronçons de dimensions très variables, 70 cm à 1 m pour la tige à quelques centimètres pour les petites branches. Ces longueurs dépendent beaucoup de la luminosité. Dans une zone de lumière tamisée, la croissance sera moitié moindre qu’en pleine lumière. Dans un endroit encore plus sombre, l’arbuste sera encore moins haut et d’apparence chétive. Les feuilles ne poussent que sur tiges et branches de l’année. Les bourgeons présents à l’aisselle des feuilles sont à l’origine de nouvelles branches l’année suivante.
Les coupes effectuées sur un des arbustes montrent clairement que les cernes correspondent parfaitement à l’âge, à condition d’effectuer un polissage préalable.
FIN
8 commentaires
Nous avions aussi plusieurs ormes champêtres autour de notre propriété (Nord de la Touraine). Ceux-ci étaient atteints par la graphioses et dépérissaient. Ils ont été recepés et maintenu en haie de 2 m de hauteur, retaillés tous les ans. Si on les maintient comme cela, sans les laisser grossir, ils survivent.
Effectivement, recéper les sujets et les maintenir dans des petits diamètres est le seul moyen pour que la graphiose ne s’y attaque pas !…
J’aime beaucoup ce genre d’article, très factuel.
Félicitations pour tout ce travail.
bonsoir,
il y a quelques Ormes adultes dans la ripisylve de la Loire à Bourbon-Lancy. Ils portent des fruits et il y a quelques jeunes alentour.
comment la graphiose continue-t-elle à se propager ? y a-t-il d’autres espèces qui en sont victimes ?
En Sambre-Avesnois, il n’est pas rare de voir de jeunes ormes remarquables l’hiver par la silhouette des branches en forme d’arête de poisson . Un orme adulte est présent sur le site de Pantegnies à Pont sur Sambre
Bonjour,
Ai été très intéressée par votre article particulièrement détaillé. Je suis étonnée que vous utilisiez le nom Ulmus procera et pas Ulmus minor qui est le nom de l’orme champêtre.
D’après la dernière édition de la Flore forestière française tome 1 p. 879, U.minor subsp. procera
n’existe pas en France à l’état spontané. Ils le présentent comme un cultivar.
Avez-vos identifié ces ormes de façon certaine ?
ici en Belgique nous voyons très régulièrement de jeunes ormes . Certains sont assez grands pour fleurir mais après une certaine taille la graphiose les atteint.
Nous avons aussi Ulmus glabra et Ulmus laevis (plus rare)
Le nom de ces arbres, ormes champêtres, m’a été confirmé par un ingénieur agronome de l’INRA Nancy qui était venu à Maubeuge faire une conférence sur l’orme et le chêne. Après une brève description de l’arbre et à la vue de feuilles que j’avais apporté, il m’a affirmé sans hésiter qu’il s’agissait bien d’un orme champêtre.
Pour déterminer le nom commun et scientifique de plantes, je me réfère à deux documents, Le Guide des fleurs sauvages de Delachaux-et-Niestlé (éd. 2008) et Télabotanica. En principe je n’ai jamais de difficultés, les deux documents ayant une bonne correspondance. Mais dans ce cas il n’y avait pas de convergence.
Ce guide parle de l’Ulmus procera ou grand orme et de l’Ulmus minor ou petit orme. Les feuilles de ce dernier étant plutôt étroites, je l’éliminais. Télabotanica donne deux espèces, Ulmus minor subst. minor, répondant à différents noms communs dont orme champêtre ; mais les descriptions indiquent écorce lisse, alors que les arbres en questions ont leur écorce profondément crevassée. Puis Ulmus minor subst. procera (grand orme ou orme rouge) sans description. Mes arbres n’étant pas particulièrement rouges, sauf les jeunes pousses, je n’étais pas beaucoup avancé.
J’avais une troisième voie, la consultation d’un livre de la bibliothèque municipale décrivant plusieurs centaines d’espèces de par le monde et que je trouve très bien fait. Il en ressort deux espèces : l’orme rouge (Ulmus campestris L.) avec une écorce lisse, et l’orme champêtre (ulmus procera) avec une écorce fissurée.
J’ai finalement opté pour cette dernière appellation. La classification de la flore étant en perpétuel mouvement, il est possible qu’actuellement l’appellation de ces espèces soient Ulmus minor avec deux sous espèces, subsp. minor (à écorce lisse) et subsp. procera (à écorce fissurée).