Le durion de Kampot : les origines
Le gouvernement cambodgien, depuis plusieurs années, produit des efforts considérables pour promouvoir ce que le royaume a de meilleur sur les marchés internationaux. Ainsi, le poivre de Kampot et le sucre de palme de Kampong Speu se sont déjà vu accorder par l’Union Européenne des labels IGP (Indication Géographique Protégée). D’autres demandes d’IGP sont envisagées, notamment pour la fleur de sel de Kep, le pomelo de Kratie, la soie du Phnom Srok, le riz parfumé de Battambang, les oranges de Battambang, le prahok de Siem Reap, et enfin, « last but not least » le très fameux, très savoureux, très fragrant durion de Kampot.
Le durion, ou durian (Durio zibethinus, en khmer « tou-rén » ទុរេន ou « thou-rén » ធុរេន) est un fruit qui ne laisse jamais indifférent. Adulé par les uns, exécré par les autres, il se caractérise tout d’abord par un aspect peu commun : une grosse coque verte, d’une longueur et d’un diamètre allant de 15 à 40 cm, armée de puissantes épines coniques ; mais l’élément le plus connu et le plus controversé de ce fruit est sans conteste son odeur (et sa saveur), qualifiée soit de suave, soit d’innommable, selon celui qui y goûte.
Alexandre de Rhodes, missionnaire jésuite en Cochinchine et au Tonkin (Vietnam) au XVIIe siècle, explique que « c’est une chose fort saine, et des plus délicates qu’on puisse manger », tandis que le journaliste gastronome contemporain Richard Sterling, décrit la saveur du fruit en ces termes : « Son odeur peut être décrite comme celle des excréments de porc, de térébenthine et d’oignons, le tout garni par une vieille chaussette. On peut le sentir loin à la ronde. » Les effluves du fruit sont tellement puissants que dans la plupart des pays d’Asie orientale, il est strictement interdit de la transporter dans ses bagages, ou de l’introduire dans sa chambre d’hôtel. Un durion placé dans un réfrigérateur communique en effet, immanquablement, son doux fumet à tous les aliments qui s’y trouvent, quelles que soient les précautions prises pour son emballage.
Au Cambodge, le durion se trouve dans plusieurs régions, mais c’est celui qui est cultivé dans la province méridionale de Kampot, récolté à partir du mois d’avril, qui est le plus réputé… et le plus onéreux (jusqu’à 10 dollars américains le kilogramme). Le durion est même devenu aujourd’hui l’un des emblèmes de la province.
Le durion de Kampot est d’introduction assez récente : le fruit, originaire de Malaisie et d’Indonésie, aurait été amené dans la région au début du XIXe siècle par des émigrants fuyant l’occupation des Indes néerlandaises par les Britanniques. Un témoin français privilégié, Auguste Pavie, qui séjourna à Kampot de 1876 à 1879, nous donne, dans son excellent livre A la conquête des cœurs, une description sommaire de la culture du durion dans la région :
« Des arbres fruitiers de toute sorte bordaient les plantations, garnissaient le devant des cases ; parmi eux je n’avais pas tardé à connaître le durion, dont le fruit délicat et exquis, sans toute le meilleur qui existe, est souvent dédaigné par nous à cause de son odeur. »
Il ajoute, en note : « Durio zibethinus. Cet arbre, assez commun en Malaisie, ne se rencontre sur la côte est du golfe de Siam qu’à Kampot et à Chantaboun où on ne le maintient que grâce à des soins extrêmes. Le fruit arrive à 40 centimètres de longueur sur 20 de diamètre. Les quelques centaines qu’on recueille chaque année à Kampot étaient alors presque totalement achetés par la Cour cambodgienne et expédiés à Phnom Penh ; suivant leur taille, on les vendait de 1 à 5 francs pièces. »
(Cf. A la conquête des cœurs, pp. XVIII et XIX de l’Introduction)
Il semblerait donc qu’Auguste Pavie ait bien assisté à l’époque aux débuts de la culture du durion dans la région de Kampot.
Au Cambodge, la réputation du durion de Kampot est telle qu’il est difficile de s’en procurer. La plupart des durions que l’on trouve sur les marchés ou dans les magasins du Cambodge sont importés de Thaïlande. Ils sont moins chers, mais les amateurs les dédaignent. Les durions de Kampot sont plus petits que leurs cousins siamois, la pulpe qui enveloppe les graines est aussi de couleur plus orangée. C’est cette pulpe onctueuse qui est consommée.
Le fruit est recouvert d’une coque épaisse et dure, parsemée de redoutables épines. Son ouverture nécessite le recours à un outil contondant : une feuille de boucher ou, tout simplement, un tournevis plat. Le fruit se divise en plusieurs valves, de même que la coque. Il faut tenter de repérer l’emplacement des rainures qui marquent la séparation des valves sur la coque, puis ouvrir le fruit en agissant sur ces rainures.
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