Faux de Verzy
Beaucoup de choses ont été écrites au sujet des faux de Verzy, mais très souvent d'un point de vue qui n'est ni très botanique, ni génétique. Le sujet inspire toutes sortes de gens, parfois ethnobotanistes, parfois hurluberlus prêts à évoquer la magie ou les extraterrestres, et aussi des personnes intéressés par le maintient d'un "culte du mystère" de ces arbres symboliques. Finalement, peu de recherches vraiment sérieuses ont eu lieu récemment.
Voici donc le résumé des discussions et une bibliographie la plus sérieuse et complète possible qui, d'après les spécialistes, ne permet que de conclure : "les faux sont dus à une cause génétique non définie. L’hypothèse d'un transposon est raisonnable mais rien ne la prouve".
Jean Guerdoux, le 1 décembre 2010
Est-ce que l’on sait si ces hêtres sont une variété ou une espèce particulière (que l’on pourrait donc rencontrer ailleurs) ou bien est-ce lié à un problème d’environnement particulier. Dans le premier cas, d’où sort la variété ou l’espèce … dans le deuxième cas quelles sont les raisons environnementales ?
Michel BURTE, le 1 décembre 2010
Cette question m'a intéressé et malheureusement, je n'ai pas trouvé de meilleure réponse que sur ce lien
http://fr.wikipedia.org/wiki/Faux_de_Verzy
Jean Guerdoux, le 1 décembre 2010
Oui, bien sûr, j’ai lu aussi consulté Wikipedia, mais on ne peut pas dire que ce soit satisfaisant !! Quand WP dit que l’on a deux peuplements, sans savoir s’ils sont reliés, nous voilà bien avancés ! On parle de deux variétés (pas de deux espèces), moi je veux bien …mais sur quels critères… Bref : j’espère que qq nous renseignera mieux que WP…
Maxime Leloup, le 1 decembre
J'y suis passé récemment, il me semble me souvenir que sur les panneaux ils disent que c'est une variation génétique pas vraiment expliquée.
Christian Feuillet, le 1 décembre 2010
Sur internet vu ceci :
- « Morphologie et architecture des hêtres tortillards à Verzy (Fagus sylvatica var. tortuosa) = Morphology and architecture of twisted beech in Verzy (Fagus sylvatica var. tortuosa). Canadian J. Bot., 1993.
THIEBAUT B. (1 2) ; BUJON P. (3) ; HADDAD S. (3) ; CAMPOS B. ; MERCIER J. ;
(1) Univ. sci. tech. Languedoc, inst. botanique, 34000 Montpellier, FRANCE
(2) CNRS, cent. Ă©cologie Ă©volutive, 34033 Montpellier, FRANCE
(3) Univ. sci. tech. Languedoc, inst. botanique, 34000 Montpellier, FRANCE
Le développement du hêtre est comparé chez l'arbre ordinaire et chez le tortillard en forêt de Verzy, près de Reims en France. Les modalités de la croissance, annuelle et pluriannuelle, sont les mêmes à quelques variantes près chez les deux arbres. Mais les sinuosités des tiges sont davantage marquées au moment de leur élongation et persistent chez le tortillard alors qu'elles sont atténuées puis rectifiées dès les premières années du développement dans l'arbre ordinaire. Dans ce dernier cas, une régulation au niveau des branches ramifiées et du houppier est responsable de ces rectifications et établit une hiérarchie bien stricte entre les tiges selon leur ordre dans la ramification, alors que dans un tortillard, l'absence de cette régulation se manifeste par la disparition des rectifications des tiges et aussi par des redressements verticaux de tiges latérales et le développement de réitérations (...) »
Le site ne donne pas la suite de l'article gratuitement. Je vais voir sur la copie papier de la bibliothèque s’il y a des informations utiles pour la question posées par Jean et le cas échéant paraphraserai.
Par ailleurs, mĂŞme journal, 1998 :
« Descendances maternelles de hêtre tortillard (Fagus sylvatica L. var. tortuosa Pépin); développement au cours des quatre premières années: I. fertilité, vigueur et apparition du phénotype tortillard. » Par B. Thiébaut, O. Garniaux, B. Comps et C. Muller
Résumé : Après une pollinisation libre, des graines ont été prélevées sur des hêtres tortillards (Fagus sylvatica L. var. tortuosa Pépin) dans la forêt de Verzy (près de Reims, France), puis traitées pour une levée de dormance en laboratoire. Les graines ont été semées en pépinière et les plants obtenus ont été élevés pendant 4 ans. L'objectif de la présente étude est d'examiner la fertilité du tortillard et l'apparition de son phénotype au cours des premières années du développement de ces plants. Dans les conditions expérimentales choisies, les taux de graines pleines et de graines vides, le taux de germination et les taux annuels de survie des plants ne sont pas significativement différents de ceux fournis dans la littérature pour le hêtre commun (Fagus sylvatica L.) plus fréquent en Europe. Après quatre années de culture, sur 486 descendants maternels de tortillard, 25% des individus présentent une forme particulière, caractérisée par des réitérations, et peuvent être considérés comme des tortillards. Ce phénotype apparaît progressivement dès la seconde année du développement des plants, le nombre de tortillards ayant augmenté chaque année et leur forme s'étant régulièrement accentuée jusqu'à l'âge de 4 ans. Ces résultats infirment que le tortillard est une variété moins fertile et moins robuste que le hêtre commun
Jean Guerdoux, le 1 décembre 2010
Décidément, j’aurais dû lire mes messages jq bout !! Le résumé de l’article de Thiebaut me parait convaincant. Il est donc surprenant que les explications données à Verzy même soient chancelantes.
Papuga Guillaume, le 1 décembre 2010
Voici quelques infos qui pourraient aider, ca n'est pas centré sur le site de Verzy mais Parent en parle un peu.
http://www.mnhn.lu/recherche/ferrantia/publications/ferrantia48.pdf
Sylvain LAPPE, le 1 décembre 2010
Il ne s'agit pas d'une espèce différente mais d'une forme locale (qui pourrait très bien apparaître également ailleurs). Il s'agit d'une mutation génétique qui marque énormément la morphologie des arbres. Celle-ci a dû apparaître chez un individu initialement puis transmise à certains (ou tous) de ses descendants.
Une telle aberration morphologique est en règle générale très vite éliminé du paysage par la sélection naturelle...à moins quelle ne soit conservé par l'homme pour son plaisir.
Jean Guerdoux, le 2 décembre 2010
Creusons un peu, voulez-vous ? Comment a-t-on montré qu’il s’agit d’un mutant et non d’une espèce différente ? Sur quels critères ? Si cela est clair, sait-on si c’est le(s) même(s) gène(s) qui est (sont) en cause à Verzy et dans l’autre (les autres) peuplement(s) montrant la même morphologie ? Ici ou là on lit qu’un virus pourrait être en cause (plutôt que la mutation) : l’argument étant qu’il existe qqs autres arbres « tortillards » sur le site de Verzy. Qu’en est-il de cette hypothèse fort différente ? Les choses sont-elles vraiment claires ?
Jean Guerdoux, le 2 décembre 2010
Je n'avais pas lu votre réponse quand j'ai écris le message précédent. Merci pour cet article qui privilégie l'hypothèse génétique, avec des arguments qui me paraissent solides (j'aimerais en connaître le détail si c'est possible). Pour ce qui est de l'apparition d'une mutation plusieurs fois en des endroits différents, l'existence des transposons a beaucoup modifié les réflexions sur les fréquences des mutations. Je ne suis donc pas certain que cet argument puisse être retenu CONTRE l'apparition indépendante d'un type de mutation à plusieurs endroits différents .... mais cette liste n'est pas le lieu pour en discuter, me semble-t-il. En tous cas, la revue est excellente en ce qui concerne les côtés descriptifs et historiques ...Bref, je suis presque satisfait !
Jean-Claude BOUZAT, le 2 décembre 2010
Sur Tela une discussion a eu lieu sur cette question. En souhaitant que le lien ci-dessous vous y conduise
http://fr.groups.yahoo.com/group/tela-botanicae/msearch?query=hetre+tortillard&submit=Recherche&charset=ISO-8859-1
Un colloque sur l'arbre s'était tenu à Montpellier en septembre 1985, "Naturalia monspeliensia" en a, dans un n° hors série de 1986, publié le compte-rendu, j'ignore si cette publication est en ligne quelque part ?
Michel Chauvet, le 2 décembre 2010
Il me semble que nous avions déjà discuté des faux de Verzy sur le forum général (qui serait d'ailleurs plus adapté à cette discussion). Sans être spécialiste, je pense que l'hypothèse génétique et l'hypothèse virale ne sont pas forcément contradictoires, et que les avancées actuelles de la génétique nous permettront peut-être de clarifier cela.
J'ai trouvé le texte de Wikipedia pas mal. Puisque nous sommes sur Tela, ce qui serait bien, ce serait de mettre en ligne une synthèse sur ce qui est actuellement connu, avec un résumé des thèses en présence.
Michèle van Panhuys-Sigler, le 2 décembre 2010
voilà encore une autre référence sur les faux de Verzy, je ne sais pas si elle a déjà été citée :
Druelle Jean-Louis, Audran Jean-Claude, Bierne Jacques - L'aptitude des Hêtres tortillards à la réversion indique qu'ils résultent d'une seule mutation à effet morphogénétique pléiotrope. - 1993 -, p. 715-715 - Société Botanique de France, Acta bot. gall.
Michel Burte
Votre question m'a remis en selle pour la recherche. Je suis en relation avec un ami allemand et il va me transmettre des adresses et résultats de recherches
http://jpbrx.perso.sfr.fr/Fst/index.htm
http://www.suentelbuchen.de/17402.html
Jean Guerdoux, le 3 décembre 2010
Pouvez-vous m’expliquer ce que vous voulez dire par « l'hypothèse génétique et l'hypothèse virale ne sont pas forcément contradictoires »
Michel Chauvet, le 3 décembre 2010
Il me semble que la génétique montre de plus en plus d'exemples de virus dont tout ou partie des génomes s'intègrent dans le génome de l'hôte, et qu'il arrive aussi que ces introgressions soient réversibles. Mais je ne veux pas aller plus loin, n'étant pas spécialiste comme je l'ai dit. Le fait qu'on puisse obtenir des individus tortillards par graine tend à montrer que ce caractère est bien transmis par voie génétique...
Jean Guerdoux, le 3 décembre 2010
D’accord en gros... l’insertion de tout ou partie de génomes viraux est connue depuis longtemps (par ex depuis 1950 pour le bactériophage lambda). S’y ajoutent les éléments « baladeurs » que sont les transposons.
A vue de nez, les deux articles cités me paraissent assez solides pour valider l’hypothèse génétique (j’espère que qq me transmettra celui sur la réversion, qui pourrait clore le débat, à mon avis).
Bernard Pinoteau, le 3 décembre 2010
Il existe dans l'arboretum de Segrez, un groupe de Fagus sylvatica var. tortuosa, plantés sans doute par Alphonse Lavallée vers 1860.
Ces arbres très spectaculaires forment un groupe de trois, si j'ai bonne mémoire, ils sont classés arbres remarquables. La forme des troncs pourrait laisser penser qu'ils ont été greffés. (à vérifier).
Je dois les avoir en photo.
Michel CHAUVET, le 3 décembre 2010
Encore moi. Je viens de trouver une référence importante pour l'espèce. Le livre comporte une importante bibliographie, mais j'ignore s'il parle des faux de Verzy :
Teissier du Cros E., 1981. Le hĂŞtre. Paris, INRA. 613 p.
André BERVILLE, le 1 février 2010
1 février 2011, après avoir pris connaissance de cette synthèse:
Je suis étonné qu’après la thèse d’Anita Gallois dans les années 90, bien que l’on ignore quel gène a muté ou si un système de régulation différent est apparu, les hypothèses génétiques ne soient pas mieux hiérarchisées.
1) les Faux de Verzy ne constituent pas une population naturelle de hêtres, mais probablement il y a eu un fort enrichissement en forme tortueuse du fait d’une sélection massale intense et efficace.
2) les Moines de l’abbaye ont diffusé les Faux de Verzy en Allemagne comme tous les moines échangeaient des plantes et des arbres entre abbayes. C’est vrai pour le Pin de Salzmann, les oliviers, les simples,etc ….
Que la mutation soit apparue à l’abbaye de Verzy ou qu’elle y était introduite d’ailleurs, peu importe, on ne le saura jamais, si ailleurs elle ne s’est pas maintenue, à Verzy elle a été sélectionné et entretenue!
3) l’étude d’une descendance est peu informative. En effet, la mutation initiale a par la sélection massale était brassée dans des fonds génétiques très différents, dans lesquels son expression est probablement très diverse. L’héritabilité du caractère dans les descendances n’est probablement pas constante, une étude ne permet pas de conclure qu'elle qu'en soit la qualité!
La probabilité de tomber sur la mutation avec des marqueurs moléculaires est nulle, ça tout le monde l’a bien compris. Néanmoins, les marqueurs permettent de connaître la structure de la population des Faux de Verzy par rapport aux hêtres non tortueux et donc de reconstituer leur histoire de vie. S’il y a des études de génétiques des pops sur les Faux, cela permettrait d’éliminer un certain nombre de scenarii.
L’hypothèse de Michel (virus) n’est pas à condamner. Une AOP d’huile d’olive en Italie repose sur les individus, contaminés par un virus, et qui ont une allure ‘malade’ alors que les arbres sains ont un port normal. Néanmoins, ici je n’y croit pas, la transmission du caractère n’a pas l’air infectieuse à priori, si c’était le cas on l’aurait diagnostiqué comme en Italie.
De nombreuses mutations simples (un gène muté- séquence connue) chez les plantes du fait de duplication de gènes créent du silencing relativement sensible aux effets environnementaux. L'hérédité apparait quantitative sans que l'on comprenne bien pourquoi. Voyez ce qui se passe avec les OGM qui font du silencing! on en revient largement.
Je n’ai aucun gène à proposer comme siège d’une telle mutation. Ce serait prématuré d’en proposer un. Il existe bel et bien au départ une mutation. Ce phénotype se retrouve dans d’autres arbres (saule, noisetier, etc).