LÂ’IMPORTANCE ET LÂ’UTILITE SCIENTIFIQUE DES HERBIERS

Messages rassemblés par Bruno CORNIER (importance et utilité scientifiques des herbiers) et Elisabeth DODINET

Suite à la rencontre nationale du 30 mars 2001 à Montpellier sur les Herbiers, de nombreux échanges ont eu lieu sur tela-botanicae. Cette discussion a permis de préciser le projet d’inventaire des Herbiers de France et a été à l’origine du lancement du projet « Herbiers de France » sur Tela Botanica. Le colloque de Lyon, du 20 au 22 novembre 2002 « les Herbiers : un outil d’avenir » a développé et précisé cette problématique. Dans cette synthèse, nous avons souhaité conserver quelques messages donnant des éléments précis sur les usages scientifiques des Herbiers. Ceux qui souhaitent en savoir plus pourront se référer aux Actes du Colloque de Lyon.


Peter A. SCHÄFER, 9 avril 2001 :

Si un herbier permet un travail floristique (par exemple rechercher toutes les plantes du Queyras) ou historique/biographique (les récoltes botaniques de PETITMENGIN), son utilisation principale est cependant pour des études monographiques (avoir le maximum de Linnaea borealis de toute origines en un seul tas pour voir la répartition et la variabilité). Le monographe publiera ensuite ses conclusions en citant un choix ou la totalité des échantillons étudiés. Cette citation ce fait idéalement par le nom du collecteur + numéro de récolte (ce qui suppose que le collecteur a numéroté ses récoltes de manière claire et en une seule sérié) et l'acronyme du ou des herbiers où l'échantillon a été vu.
Exemple :
Si PETITMENGIN avait numéroté ses récoltes on aurait donc eu par exemple:
M. PETITMENGIN 1111 MPU. A défaut de numéro de récolte on peut utiliser la date (si le collecteur n'a récolté l'espèce qu'une fois par jour). Cela sera donc:
M. PETITMENGIN s.n., 2.8.1905 MPU Si le collecteur n'a ni numéroté ni daté sa récolte on peut éventuellement la citer par la localité; dans notre exemple cela deviendrait :
M . PETITMENGIN s.n., s.d., Champigny-le-Haut, Savoie, France MPU

Ainsi cités, on peut retrouver les échantillons étudiés par un auteur dans les herbiers qu'il a fréquenté. On peut aussi trouver éventuellement des doubles dans d'autres herbiers. Donc chercher par exemple à Nancy (acronyme = NCY) ou a Boston (A = Arnold arboretum, Harvard) si on est plus proche d'un de ces herbiers que de Montpellier (MPU). Ceci explique pourquoi une référence dans l'herbier n'est pas l’équivalent d'une citation d'échantillon par numéro de collecteur. Avec une citation du numéro de référence propre à un herbier on ne peut pas trouver des doubles. Dans le cadre d'un projet pilote nous avons tenté d'informatiser et d'enregistrer nos échantillons. Après trois ans d'efforts intensifs un petit calcul m'a permis de constater qu'il me restait seulement 1200 (mille deux cent) ans pour terminer d'enregistrer nos échantillons. Malheureusement cette constatation a empêché le renouvellement du projet pilote. Donc dans notre herbier général on trouve la planche dans le paquet contenant le genre Linnaea à l'espèce L. borealis dans une chemise "France".


Michel CHAUVET, 24 avril 2001 :

Puisque la discussion a démarré "spontanément" sur les herbiers, je viens apporter mon grain de sel, après la réunion intéressante de Montpellier à laquelle j'ai participé, et où nous avons parlé de Tela Botanica. Je crois que cette réunion avait été organisée par le ministère de la Recherche, mais Jacques MATHEZ ou Peter SCHÄFER pourraient nous en dire plus. Le projet d'inventaire est une action spécifique dans une dynamique générale sur les herbiers. Un forum sur les herbiers doit aussi être créé pour couvrir tous les problèmes. A Montpellier, plusieurs personnes ont fait remarquer que çà ne servait pas à grand chose de discuter, puisque toutes les personnes présentes étaient par définition soit des curateurs d'herbiers, soit des convaincus. Le problème stratégique est là : il faut que la discussion sorte du cercle étroit des curateurs. Si les herbiers ont une utilité pour la société en ce XXIe siècle, c'est à tout le monde d'en discuter. D'où l'intérêt d'un forum sur Tela Botanica.

Quant aux "pouvoirs publics", on n'aura des chances d'être écoutés que lorsque les instituts de recherche et les universités seront convaincus que les herbiers jouent un rôle pour la recherche et l'enseignement. Pour leur malheur, les herbiers sont souvent devenus orphelins de leurs propres institutions. Même quand des crédits sont débloqués au niveau national, il arrive que rien ne se passe simplement parce que les institutions ne font pas remonter les dossiers !

  • Parmi les arguments à développer, j'en détaille quelques-uns histoire de lancer la discussion :
- Pour qu'un travail soit scientifique, il doit pouvoir être reproduit par d'autres, ou au moins vérifié. Il en résulte que toute publication concernant des plantes devrait être accompagné du dépôt de planches d'herbiers, avec mention dans la publication du lieu et des références de ce dépôt. Il y a bien sûr des collections vivantes de ressources génétiques, mais elles peuvent dériver génétiquement (sans parler des erreurs), voire disparaître, surtout au bout de quelques décennies ! Le grand avantage de l'herbier est de fixer pour les siècles l'aspect qu'avait la plante étudiée. Je sais que mes collègues qui étudient les ressources génétiques (avec les outils moléculaires et autres) utilisent les herbiers, et en font eux-mêmes. Leur avis d'utilisateurs serait précieux.
- Pour les actions d'inventaire et de cartographie (surtout historique), les herbiers constituent une grande base de données sur pied qui ne demande qu'à être valorisée au travers des moyens informatiques. Le ministère concerné est celui de l'Environnement.
- De nombreux herbiers nécessitent et méritent une approche patrimoniale et historique, ce qui relève du ministère de la Culture. On pourrait d'ailleurs aller vers un statut (juridique) des collections. La jurisprudence a reconnu pour les voitures (collection des frères SCHLUMPF à Mulhouse) qu'une collection ne devait pas être démembrée, par exemple. La destruction, volontaire ou par négligence, d'un herbier, devrait être considérée comme un délit en l'absence d'une évaluation de son intérêt scientifique et patrimonial. Pour commencer, le forum pourrait jouer un rôle d'alerte. L'ennemi majeur des collections est l'indifférence. Quand il n'y a plus personne pour s'occuper d'un herbier, on peut apprendre plusieurs années après coup qu'il a disparu...
- Un cas particulier est celui des herbiers de plantes tropicales (et plus largement des plantes de pays en développement). La France a signé la Convention sur la diversité biologique, et a donc pris des engagements. Les pays européens (et les Etats-Unis) ont largement prospecté depuis des siècles dans ces pays, ce qui fait qu'aucune étude de leur flore ne peut se faire sans consulter nos herbiers. Nous avons le devoir (moral, politique...) de tout faire pour faciliter l'accès à ces collections qui portent sur leur patrimoine biologique.
- Il ne faut pas oublier les droguiers, carpothèques, xylothèques, qui sont indispensables pour identifier les espèces, dès que l'on s'écarte des grandes espèces commerciales.
- Il est probablement illusoire de chercher à maintenir toutes les collections là où elles sont actuellement. Il faut réfléchir à des regroupements thématiques ou géographiques. Après tout, les Archives sont bien organisées à plusieurs niveaux, municipal, départemental, national... Il faut des lieux où les collections soient gérées de façon professionnelle et avec des moyens.
Je m'arrête là. Le forum pourra brasser les idées et les critiquer. Mais il faut aussi qu'un petit groupe de travail se saisisse du problème pour catalyser les initiatives, et jouer le rôle de porte-parole, car il y a maintenant des occasions de mettre le problème sur la place publique. La Société botanique de France devrait jouer un rôle là-dedans, et André CHARPIN, qui était à Montpellier, pourrait nous donner son point de vue.


André CHARPIN, 29 avril 2001 :

Tout a fait d'accord pour essayer d'établir une liste des herbiers présents dans notre pays. La SBF pourrait très volontiers coordonner et éventuellement publier les résultats de cette enquête. Il me parait toutefois indispensable de communiquer à l'Index herbariorum vos données concernant ces herbiers, si du moins vous souhaitez que ce projet ne reste pas franco français.


Joël MATHEZ (Université Montpellier II), 25 avril 2001 :

La bota, il faut aussi l'enseigner, et corriger les copies d'examen, ce qui ne m'a pas laissé le temps de donner quelques informations sur la "réunion de Montpellier" du 30 mars dernier. Merci à Michel CHAUVET d'avoir déjà exprimé son point de vue, et à Pasch d'avoir lancé une opération utile de repérage-inventaire des herbiers français.
Ce séminaire a été organisé à l'initiative de la Mission de la Culture et de l'Information Scientifiques et Techniques (Direction de la Recherche, Ministère de la Recherche), qui y a invité une soixantaine de personnes: chercheurs utilisateurs d'herbiers, responsables d'herbiers universitaires et conservateurs de muséums de province pour l'essentiel. En réunissant ces personnes, l'objectif était d'initier un réseau destiné à faire le point et coordonner la valorisation des herbiers français. J'ai évidemment accepté la proposition que m'a transmise Mme F. CORNEVIN (Mission Musées) d'organiser l'accueil à l'Institut de Botanique de Montpellier et d'animer une partie de la journée. Malgré la grève de la SNCF qui battait son plein, l'assistance a été nombreuse. Je pense pouvoir déposer prochainement sur Tela un CR de la journée. En attendant, voici une description rapide du contenu:
- présentation de quelques "grands herbiers": MNHN Paris, CJB Genève;
- réalisations modernes: herbier de Grenoble;
- analyse de la situation des herbiers français (faite par JJ LAZARE en 1994);
- présentation du programme GECO (Coordination de la Gestion des Collections naturalistes);
- exemples d'exploitation scientifique des herbiers: systématique, patrimoine génétique, substances naturelles d'intérêt thérapeutique, ethnobotanique, paléobotanique;
- un exemple d'informatisation d'une collection (paléontologie Paris VI);
- valorisation des aspects culturels;
- herbiers et conservation de la flore...
Deux temps (trop brefs) de discussion ont été ménagés dans la journée. A cette occasion, nous avons été plusieurs à évoquer Tela Botanica et le rôle qu'il pourrait jouer, ainsi que les diverses Sociétés (Société Botanique de France, Société Française de Systématique...). La conclusion la plus évidente de ces débats est que les participants souhaitent que cette première journée ait une suite aussi concrète que possible. F. CORNEVIN en est également convaincue, et travaille actuellement à mettre en place un groupe de travail national qui analysera les diverses propositions pour suite à donner. Ce groupe devrait se réunir dans le courant du mois de mai: bien entendu, je l'informerai si nécessaire de l'intérêt de Tela Botanica pour la question et du rôle qu'il pourrait y jouer. Je souhaite personnellement un maximum de coordination entre les initiatives "institutionnelles" et le réseau des "amateurs" conscients de l'enjeu de la conservation et de la valorisation des collections françaises. Comme pour l'ISFF, ceci n'empêche en rien de démarrer un forum spécialisé sur TB, et je proposerais volontiers que Pasch (Peter A. SCHÄFER) y ait une responsabilité de premier plan.

Je dois enfin préciser que le repas pris en commun a été chaleureux, que les participants ont manifesté leur plaisir à se rencontrer pour la première fois et à mettre des visages sur des noms qu'ils ne connaissaient parfois que par... Tela Botanica.