La naturalisation du Mahonia Ă  feuilles de Houx (Mahonia aquifolium) (Pursch) Nutt. en France et en Belgique

Auteurs :
Synthèse réalisée par : Jean-François LEGER et Br. CORNIER
Date : 28 février 2002
[Mise à jour par Fabrice BERNARD et Jean-François LEGER, le 2 février 2003]

Ont contribué à cette synthèse :
Lionel BELHACENE, Fabrice BERNARD, Vincent BLONDEL, Christophe BONNET, Michel Ange BOUCHET, Jean-Pierre BREUER, Michel CAMBORNAC, Roger CRUON, Etienne CUENOT, Bernard DUPOND, Pascal DUPRIEZ, Philippe DURAND (Société Tarnaise des Sciences Naturelles), Corinne FERNANDES, Patrick GATIGNOL, Françoise GHARSA, Guy-Georges GUITTONNEAU, Jean-Pierre JACOB, Jean-François LEGER, Jean-Marc LEWIN, Peter A. SCHäFER, Seb, Filip VERLOOVE, François VERNIER et Raphael ZUMBIEHL.


Synthèse réalisée à partir d'échanges ayant eu lieu sur tela-botanicae http://fr.groups.yahoo.com/group/tela-botanicae/, forum des botanistes francophones, entre le 14 mai et le 19 mai 2001, puis les 25 et 26 septembre 2002, et enfin entre le 12 et le 22 décembre 2002.

Résumé :

Le Mahonia à feuilles de Houx (Mahonia aquifolium) est une espèce susceptible de se maintenir dans les parcs et les jardins longtemps après sa plantation. Elle semble se naturaliser çà et là en France et en Belgique.

Présentation de Mahonia aquifolium (Pursh) Nutt.

Famille :

Berbéridacées (Berberidaceae Juss.).

Genre Mahonia :

Le genre Mahonia renferme 60 à 90 espèces d'arbustes à feuillage persistant, originaires d'Asie (Himalaya, Chine, Japon) et d'Amérique du Nord et centrale. Ce genre est très proche des Épines-vinettes (genre Berberis L.), d'où l'hybride intergénérique d'origine horticole x Mahoberberis.

Description de Mahonia aquifolium :

  • 0,5-2 m, mais en gĂ©nĂ©ral infĂ©rieur Ă  1 m ;
  • Ecorce gris brun clair ;
  • Rameaux inermes ;
  • Feuilles alternes, imparipennĂ©es, Ă  (3) 5-11 folioles ; folioles vert foncĂ©, brillantes, prenant en automne et en hiver une nuance bronzĂ©es ou pourpre, 5-10 * 2-3,5 (-4) cm, coriaces, Ă  marge Ă  4-12 dents Ă©pineuses de chaque cĂ´tĂ© ; foliole axiale longuement pĂ©tiolulĂ©e ;
  • Grappes insĂ©rĂ©es Ă  la base des rameaux jeunes, Ă  l'aisselle des feuilles, ascendantes, denses ;
  • Fleurs en coupe de1 Ă  2 cm de diamètre, jaunes, lavĂ©es de rouge, parfumĂ©es ;
  • Baies bleu noirâtre, d'environ 1 cm, pruineuses, juste après la floraison ;
  • Floraison : (fĂ©vrier-) avril-mai.
Plusieurs cultivars. D'autres espèces et hybrides de Mahonia sont également cultivés.

Toxicité :

Toutes les parties de le plante sont plus ou moins toxiques, surtout les parties végétatives. C'est l'écorce des racines qui semble présenter le plus de risque, ce qui lui a d'ailleurs valu et lui vaut encore d'être utilisée en médecine. La molécule responsable de cette toxicité est un alcaloïde, la berbérine (23) et (24), mais d'après BRUNETON (1e éd. 1996), les fruits du Mahonia aquifolium (à rapprocher des Berberis) ne contiennent pas d'alcaloïdes : ils présentent donc une quasi innocuité. 88% des ingestions par enfants (144 cas) sont "asymptomatiques" (26). Les rares symptômes observés sont des maux de ventres, des vomissements (effet purgatif) ou de la tachycardie (effet hypotenseur) (23), (24) et (26). D'après un adulte, ces baies ont mauvais goût : "ça laisse un arrière goût désagréable sur la langue, genre bourdaine, mais je n'ai goûté qu'une baie" (24), ce qui limiterait le nombre susceptible d'être ingéré, cependant, fin septembre 2002, une petite fille les avait trouvées plutôt à son goût (elle en avait mangé plusieurs "grappes"), ce qui l'a conduit, par précaution, à l'hôpital et provoqué ce petit échange à propos de la toxicité du Mahonia sur Tela (25). En premiers secours sont indiqués: "repos au chaud, charbon, faire boire beaucoup". En cas d'ingestion de quantités importantes, faire vomir (23).

Quelques autres données sont disponibles à l'adresse :
http://plantes.toxiques.free.fr/Pages%20plantes/Mahonia.htm .

Origine :

Ouest de l'Amérique du Nord : Orégon, état de Washington, sud-ouest de la Colombie-Britanique (22) et nord-ouest de l'Idaho (19), nord de la Californie (20). [Carte "fait-maison" ? Tela a les moyens de faire une carte, qui serait bien plus parlant]

Ecologie :

Sciaphile Ă  photophile, plus ou moins calcicole.
L'espèce croît naturellement sous climat tempéré humide, dans les forêts claires composées principalement de grands Conifères (Sapin de Douglas, Thuya géant), en sous-bois en compagnie d'érables et de cornouillers notamment. Son nom anglais est "Tall Oregon Grape" ; cette espèce est, au demeurant, devenue l'emblème de l'état d'Oregon. (21)

Introduction sur le vieux continent :

Espèce introduite en Europe en 1823 (DELEUIL, in Monde des Plantes n°282, 1951 : 52).

Vous pouvez avoir un aperçu de cette espèce sur le site suivant :
http://www.streetside.com/plants/floridata/ref/m/mah_aqui.htm

Observations et localisations indiquées dans les échanges sur Tela (du 14 au 19 mai 2001 et du 12 au 22 décembre 2002)

Question initiale de Jean-François LEGER (14 mai 2001) : "Je souhaite savoir si Mahonia aquifolium (Pursh) Nutt. est souvent observé à l'état naturalisé en France, et en particulier dans le Sud-Ouest."
Cette question a suscité de multiples réponses.
De nombreuses personnes ont noté la présence de Mahonia aquifolium dans des localités où il ne semble pas être naturalisé, même si le milieu peut paraître naturel :
Ainsi, dans le Tarn, Mahonia aquifolium ne semble pas vraiment naturalisé. On le trouve parfois dans d'anciens jardins, près de bâtiments en ruines, mais il y a probablement été planté (1).
De même, en Haute-Garonne, un participant dit ne pas avoir encore trouvé le Mahonia à l'état subspontané. Il reste cantonné aux parcs et espaces-verts communaux, voire dans les jardins (2).
Dans les Pyrénées-Orientales, une (petite) station se trouve à Catllaurens (Conflent), dans un ravin, avec Chamaerops humilis L.. Soit les deux plantes sont échappées de jardin (mas en ruine à proximité), soit elles ont été jetées là (3).
Mahonia aquifolium est "échappé" de jardins également dans le Lot-et-Garonne où l'on ne peut probablement pas parler d'état naturalisé. Cependant, il est souvent difficile de savoir s'il a été planté ou non à l'origine (4).
Dans les Alpes-de-Haute-Provence, plusieurs pieds de Mahonia aquifolium se trouvent vers la Clappe (D20 menant à Digne) (1998) ; mais, du fait de la présence d'un parc en cours de réhabilitation à l'époque, il est difficile de les dire subspontanés (5). On observe aussi le Mahonia au pied du rocher de 9 h 00 à Digne, dans un parc à l'abandon, au pied de cèdres (6). Toujours dans les Alpes-de-Haute-Provence, on le rencontre ça et là sur le plateau de Valensole, la plupart du temps à proximité d'habitations (7).
En Seine-Saint-Denis, on le trouve dans le Parc de la Courneuve (1998) (8).
Dans le Loiret, il se maintient depuis près de 40 ans dans le parc du château de la Source (Université d'Orléans) (9), ainsi que dans quelques parcs privés de Sologne (17).
DELEUIL (Monde des Plantes n°282, 1951 : 52) indique à propos de cette plante " Peut être considérée comme naturalisée en divers points frais et humides de la Provence où elle se maintient depuis plusieurs années "Le Catalogue des Plantes vasculaires des Bouches-du-Rhône (R. MOLINIER 1981) ajoute : "La plante ne paraît pas se reproduire de graines et se propage par ses parties souterraines" et cite de façon résumée les stations citées par DELEUIL : "Venelles, bois de chênes pubescents de Font-Cuberte. Vitrolles, Gardanne, Valabre. Bassin du Réaltor. Généralement sur les berges de ruisseaux."

D'autres observations récentes semblent confirmer la naturalisation progressive de Mahonia aquifolium : il se répand à côté d'une station où il a été planté en berges de Seine dans les Yvelines (10). Dans l'Essonne (observation de fin 1999), il est présent dans une zone de recolonisation forestière assez éloignée de toute habitation (11). Il est assez fréquent en Ile-de-France et dans différents boisements rudéralisés du Hainaut en Belgique (12). En Meurthe-et-Moselle, il se trouve en quantité sur un versant boisé du Plateau de Malzéville près de Nancy où il semble être naturalisé (13). Dans la Vienne, il est parfois observé dans des bois assez loin des habitations et il semble se maintenir dans certaines de ces stations (14). Enfin, un participant à la discussion note que le Mahonia est apparu spontanément dans son jardin depuis une dizaine d'années : ses fruits, et par suite ses graines, ayant dû être disséminés par les oiseaux (9). Il semble réellement arrivé "tout seul" également dans une station
des Alpes-de-Haute-Provence (7). Dans le Sud, une station est connue dans le Var, à Méounes (seule station dans ce département) (15). Dans les Alpes-Maritimes, on peut l'observer dans les boisements autour de Nice (12).
Dans les Landes, il se rencontre dans une propriété près de Mont-de-Marsan, gagnant progressivement un vallon et les sous-bois autour du parc où il a été planté il y a plusieurs décennies. Il forme de petits peuplements isolés en compagnie de Ruscus aculeatus L. et parfois Danae racemosa (L.) Moench, autre espèce échappée de cultures. Le Mahonia s'y propage par drageons et grâce à ses graines zoochores/ornithochores, comme semble l'indiquer des fructifications au pied de gros troncs d'arbres. L'espèce ne pose pas de problème sur le site (17).
Il serait en voie de naturalisation très rapide en Belgique, surtout en Flandre, où il devient envahissant, voire problématique, en milieu dunaire (18).



(1) Philippe DURAND (Société Tarnaise des Sciences Naturelles), le 14 mai 2001
(2) Lionel BELHACENE, le 14 mai 2001
(3) Marc LEWIN, le 15 mai 2001
(4) Françoise GHARSA, le 16 mai 2001
(5) Vincent BLONDEL, le 15 mai 2001
(6) 14, 15 et 19 mai 2001
(7) Christophe BONNET, le 18 mai 2001
(8) Michel Ange BOUCHET, le 17 mai 2001
(9) Georges GUITTONNEAU, le 17 mai 2001
(10) Raphael ZUMBIEHL, le 15 mai 2001
(11) Jean-François LEGER, le 16 mai 2001
(12) Pascal DUPRIEZ, le 15 mai 2001
(13) François VERNIER, le 17 mai 2001
(14) Patrick GATIGNOL, le 15 mai 2001
(15) Roger CRUON, le 15 mai 2001
(16) Roger CRUON, le 22 février 2002 - courriel personnel
(17) Fabrice BERNARD, 12, 13 et 16 décembre 2002
(18) Filip VERLOOVE, le 12 décembre 2002
(19) Jean-Pierre BREUER, le 16 décembre 2002
(20) Jean-Pierre JACOB, le 17 décembre 2002
(21) Bernard DUPONT, le 18 décembre 2002
(22) Etienne CUENOT, le 20 décembre 2002
(23) Peter A. SCHĂ„FER, le 26 septembre 2002
(24) Pascal DUPRIEZ, le 26 septembre 2002
(25) Corinne FERNANDES, le 26 septembre 2002
(26) Michel CAMBORNAC, le 26 septembre 2002

Bibliographie sommaire [à revoir, compléter, ordonner]
  • BRUNETON J., Plantes toxiques, vĂ©gĂ©taux dangereux pour l'homme et les animaux? 1e Ă©d., Lavoisier Tec & Doc, 1996. pages 183 et suivantes.
  • BRUNETON J., Plantes toxiques, VĂ©gĂ©taux dangereux pour l'Homme et les animaux, 2e Ă©d., Lavoisier Tec & Doc, Paris, New York, 2001
  • Arbres & arbustes exotiques de nos parcs & jardins, du Chatenet, Delachaux & NiestlĂ©, 1987
  • Livre des Arbres de Pierre Lieutaghi [date? Ă©dition ?]
  • 'Ingeburgerde plantensoorten in Vlaanderen' (Plantes naturalisĂ©es en Flandre) 2002, F. Verloove, Instituut voor Natuurbehoud
  • DELEUIL, in Monde des Plantes n°282, 1951 : 52
  • Le Bon Jardinier 152° edition - tome 2 p.1337
  • National Audubon Society : "Field guide to pacific northwest" et "Western forests"

[On pourrait faire des renvois Ă  partir des infos dans le texte]